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mercredi 3 octobre 2018

Pourquoi le racisme anti-blanc n'existe pas !

Après la polémique suscitée par les propos du rappeur Nick Conrad, à lire ou écouter certains commentaires, il apparaît utile de revenir aux fondamentaux et d’expliquer ce qu’est le racisme (pour les nuls).

Par Rokhaya Diallo.

Les propos tenus dans le clip de ce rappeur dont vraisemblablement personne ne connaissait l’existence avant hier sont d’une violence difficilement soutenable. Si l’auteur invoque la fiction, le renversement du stigmate, j’ai du mal à y voir autre chose que la glaçante mise en scène d’une abominable escalade criminelle. Dans tous les cas, et indépendamment de ce clip, une chose est certaine : des personnes noires peuvent nourrir des sentiments de haine à l’égard des Blancs.

Pour autant, on ne peut qualifier ce phénomène de racisme. Pourquoi ? Le racisme est un système fruit de l’histoire de dominations multiséculaires. Le racisme actuel est la conséquence de siècles d’oppression, d’esclavage, de colonisation, de théories raciales qui ont placé les Blancs au sommet de l’échelle humaine. Notre pays est allé jusqu’à codifier le statut des esclaves noirs réduits au rang de bien meubles et celui des indigènes des colonies (dont mes propres parents faisaient partie) à celui de sujets de la République, des sous-citoyens. C’est de cette histoire, pas si lointaine, que le racisme que vivent les descendants d’esclaves et de colonisés, découle.

Jamais les Blancs n’ont été visés en tant que groupe blanc par des politiques oppressives au profit de minorités non blanches et ce du seul fait de leur couleur. Jamais ils n’ont fait l’objet de théories raciales faisant d’eux des êtres inférieurs et se traduisant dans des pratiques institutionnelles. Certes des Blancs étrangers peuvent être exposés à la xénophobie, des Blancs ont été réduits à l’esclavage par le passé, des Blancs juifs ont vécu la tragédie du génocide et du racisme. Personne ne peut nier ces horreurs. Toutefois, elles n’ont jamais été justifiées du fait de leur couleur de peau blanche, les Juifs n’étant d’ailleurs pas considérés comme des Blancs dans l’idéologie nazie.

Le fait d’être Blanc n’est un désavantage ni en France, ni dans la plupart des pays (y compris en Afrique où les Blancs dominent les Noirs sur le plan économique et social). Les préjugés contre les Blancs, se caractérisent par le fait qu’ils sont un vécu individuel : chez les personnes blanches, il n’existe pas de sentiment collectif d’oppression. Elles sont rarement hantées par l’idée qu’elles peuvent subir une injustice à cause de leur couleur de peau dont elles n’ont d’ailleurs que peu conscience.

Les Blancs, présumés dominants

Lorsque ces préjugés s’expriment à leur encontre, ils sont généralement le fait de propos ou d’actes isolés. Contrairement à ceux visant les minorités, cela ne s’inscrit pas dans un processus de répétition ni dans un système national. Le fait d’être blanc, n’empêche pas l’accès à des biens ou à des services. Les Blancs qui recherchent un appartement ou un emploi ne le font pas avec la crainte d’être rejetés du simple fait de leur couleur de peau. Il est rare que l’on soit privé d’une opportunité parce que l’on est blanc. Enfin, dans un pays comme la France, être blanc n’induit jamais de remise en cause de l’appartenance nationale.

Quel que soit leur degré de stigmatisation, les individus blancs ne sont jamais présumés étrangers et leur citoyenneté n’est ainsi pas remise en cause par le racisme. De manière générale, le fait d’être blanc n’est pas associé dans l’imaginaire collectif français à des caractéristiques dégradantes. Les brimades racistes instaurent chez certains non-Blancs des complexes d’infériorité ou des sentiments d’illégitimité et un désir de ressembler à la majorité dont je doute qu’ils soient vécus dans les mêmes proportions par des Blancs.

Lorsque l’on est une minorité en France, il est impossible d’échapper au racisme. Celui-ci ne se traduit pas toujours de la même manière : il peut s’exprimer dans le cadre désagréable d’un contrôle policier injustifié, de façon violente lors d’une agression ou prendre la forme plus légère d’une plaisanterie. Il est impossible de ne pas avoir été à un moment ou à un autre de sa vie renvoyé au fait que l’on n’est pas blanc. Si l’on ne connaît pas la proportion de Blancs qui sont exposés à des préjugés liés à leur couleur, il est certain que la plupart des Blancs de France n’en font jamais l’expérience. Nombre d’entre eux n’ont d’ailleurs jamais côtoyé de minorités.

Des actes isolés ne créent pas le racisme

Des discriminations et des préjugés peuvent émaner de n’importe qui mais le racisme, produit d’une histoire de domination, est nécessairement la combinaison de la détention d’un pouvoir et des privilèges. Il n’y a pas d’équivalent entre le racisme historique et systémique perpétué en partie par des institutions contre des populations collectivement minorées et les discriminations contre des personnes blanches qui, bien que condamnables, sont commises à des niveaux individuels. Le racisme revêt non seulement une dimension interpersonnelle mais aussi, et ce contrairement aux discriminations et aux préjugés, structurelle (conséquences parfois indirectes de pratiques passées) et institutionnelle ou systémique. A cela s’ajoutent des manifestations liées au genre, à la classe sociale, à l’orientation sexuelle, au handicap, à l’âge ou à d’autres facteurs.

Même exposée à des brimades raciales, les personnes blanches en dehors d’éventuelles interactions violentes ponctuelles – et intolérables je le répète - ne sont pas réduites à leur couleur de peau. Alors que des minorités ethno-raciales sont visées par racisme protéiforme, diffus, permanent et sans échappatoire puisque la société dans son ensemble les minore. A-t-on déjà vu une seule fois une figure publique tenir des propos anti-Blancs dans les médias ? Non.


En revanche les minorités sont en permanence exposées à des propos racistes émanant d’intellectuels ou de personnalités politiques. Je me joins donc volontiers aux voix qui dénoncent les invectives anti-Blancs, et me place en solidarité avec toute personne victimes de violences du fait de sa couleur de peau, quelle qu’elle soit. En aucun cas je ne nierai la détresse qui est la leur. Toutefois, je n’entretiendrai pas cette confusion bien commode pour nos politiques : le racisme n’est pas la somme d’actes isolés aussi ignobles fussent-ils, c’est une idéologie qui opère de manière systémique et qui tue encore de nos jours sans que cela ne suscite la même controverse.

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