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jeudi 14 décembre 2017

Transparency International publie un guide pratique destiné aux lanceurs d'alerte

La section française de Transparency International publie, ce jeudi, un guide pratique destiné à informer les lanceurs d'alerte sur leurs droits et devoirs, notamment depuis l'adoption de la loi dite Sapin II, en décembre 2016.


La section française de Transparency International publie, ce jeudi, un guide pratique destiné à informer les lanceurs d'alerte sur leurs droits et devoirs, notamment depuis l'adoption de la loi dite Sapin II, en décembre 2016.

Edward Snowden, Erin Brokovich, Irène Frachon, Chelsea Manning ou encore Antoine Deltour et Raphaël Halet. Tous ces personnages ont un point commun: ils sont des lanceurs d'alerte. Des écoutes de la NSA à l'affaire du Médiator ou LuxLeaks en passant par les Pentagon Papers, ces hommes et ces femmes ont parfois risqué leur vie pour révéler à l'opinion publique des dysfonctionnements ou des affaires de corruption. Mais ils ne sont pas les seuls. D'autres, dans l'ombre médiatique, ont également alerté sur des situations anormales, amorales, voire illégales au péril de leur carrière, de leur famille, voire de leur vie. Certains, témoins de ces errements, songent à franchir le Rubicon et à devenir des lanceurs d'alerte mais s'interrogent sur les conséquences.


C'est pour toutes ces personnes, notamment en France, que l'organisation non gouvernementale internationale (ONGI) Transparency International publie, ce jeudi, un «guide pratique à l'usage des lanceurs d'alerte». Selon Transparency International, le lanceur d'alerte est «une personne qui signale un fait illégal, illicite et dangereux, touchant à l'intérêt général, aux personnes ou aux instances ayant le pouvoir d'y mettre fin». Une définition largement reprise par le Conseil de l'Europe dans une recommandation de 2014.

«L'objectif est de permettre à tous les citoyens de se saisir de leurs droits car ils ne les connaissent pas», explique au Figaro Nicole-Marie Meyer, responsable alerte éthique pour l'ONGI en France et lanceuse d'alerte qui a rédigé ce document. Car la loi a changé récemment en France. Il y a un an, les parlementaires ont adopté avec la loi dite Sapin II, «un des systèmes de protection les plus avancés en Europe», selon Nicole-Marie Meyer. Seulement, cette protection nouvelle est la plupart du temps méconnue des citoyens.

Informer sur «le chemin à suivre»
«Un citoyen ou salarié mal informé de ses droits et obligations peut commettre des erreurs irréparables en lançant l'alerte et perdre la protection garantie par la loi. N'ayant pas les bons réflexes, ils s'exposent à des risques majeurs (licenciement, poursuites pour diffamation ou dénonciation calomnieuse) ou encore se taisent par peur des représailles», analyse l'auteure de ce guide. Pour cela, Transparency International entend informer les Français sur leurs droits et sur les démarches à suivre pour lancer une «alerte responsable», autrement dit qui servira à l'intérêt général et qui ne va pas mettre en danger le lanceur d'alerte.

«La loi Sapin II ne défend pas le droit de dire n'importe quoi, mais celui de dire la vérité avec un faisceau de preuves tangibles»
Nicole-Marie Meyer, Transparency International

Concrètement, le guide permet de «tracer un chemin» à suivre pour les personnes qui voudraient faire un signalement dans l'intérêt général. «La loi Sapin II ne défend pas le droit de dire n'importe quoi, mais celui de dire la vérité avec un faisceau de preuves tangibles», se défend Nicole-Marie Meyer. Selon elle, le lanceur d'alerte se caractérise par une volonté d'alerter l'intérêt général sur un dysfonctionnement ans aucune contrepartie. À l'inverse, le délateur dénonce une personne pour des intérêts égoïstes et privés. «Le lanceur d'alerte est du côté du courage, quand le délateur est du côté de la lâcheté», résume la responsable de Transparency International, qui précise que chacun d'entre nous peut devenir, un jour, un lanceur d'alerte.


Par exemple, comme l'explique le guide, dans le cadre d'une alerte effectuée par un salarié dans le cadre du travail - ce qui représenterait 80 à 90% des cas -, elle doit d'abord avoir lieu en interne, au sein de l'entreprise. Si l'alerte n'est pas traitée dans des délais raisonnables, le lanceur d'alerte peut alors s'adresser à l'autorité judiciaire ou administrative. Là encore, si aucune réponse n'est apportée dans les trois mois, l'alerte peut être rendue publique. «Ce signalement à trois paliers inscrit dans la loi Sapin II devrait permettre de créer un cercle vertueux car les entreprises n'ont pas intérêt à ce que les alertes deviennent publiques», indique Nicole-Marie Meyer. Ce filtre interne servirait ainsi à encourager la libération de la parole et non la délation et la diffamation. Par ailleurs, à toute étape, le lanceur d'alerte peut s'adresser au Défenseur des droits, qui doit veiller à ses droits et libertés.

Un premier lanceur d'alerte français en... 1895
Enfin, ce guide a pour but de montrer que les lanceurs d'alerte ne sont pas seulement issus du monde anglo-saxon. «Il y a des racines grecques et latines liées à la liberté de dire la vérité et la justice active et passive. Donc, nous pouvons nous emparer du droit d'alerte au même titre que les Anglais ou les Américains», tempère-t-elle. Nicole-Marie Meyer explique ainsi que le premier lanceur d'alerte français est le lieutenant-colonel Marie-Georges Picard qui, après avoir alerté en vain sa hiérarchie, a révélé l'identité du vrai coupable dans l'Affaire Dreyfus en... 1895. Convaincu de l'innocence du capitaine Alfred Dreyfus, il communiquera des documents à des politiques, et sera chassé de l'armée et emprisonné. Il sera finalement réhabilité et nommé général de brigade en 1906.

À l'instar de cet illustre militaire, le premier lanceur d'alerte français connu, «toute personne confrontée à une atteinte grave à l'intérêt général peut se retrouver face au choix, un jour, de lancer l'alerte», explique Nicole-Marie Meyer. Tel est donc l'objet de ce guide: donner les clés pour agir, se protéger et se défendre.


mercredi 15 novembre 2017

Les mots poignants adressés à la France par Salah Hamouri, avocat franco-palestinien depuis la prison du Néguev
















« J’ai ressenti une étrange sensation, lorsque, le 23 août, aux alentours de 4h30, si je me souviens bien, j’étais tiré de mon sommeil par des bruits sourds. Quelqu’un s’acharnait sur la porte de mon appartement et appuyait nerveusement sur la sonnette à répétition. Je me suis dit que je connaissais ce type de vandalisme, mais dans les toutes premières secondes, je pensais qu’il s’agissait d’un rêve.

Je vis dans un bâtiment de six étages, à Jérusalem-Est. Chaque étage est composé de deux appartements. Les soldats et leur commandant ne savaient pas exactement dans quel appartement je vivais, alors, ils ont frappé brutalement à chaque porte. J’ai alors eu une pensée pour mes voisins, tous réveillés en plein nuit par les soldats terrorisant chaque famille. Je pouvais entendre des enfants pleurer.

Les soldats n’ont pas cessé de frapper sur ma porte jusqu’à ce que je finisse par ouvrir, encore engourdi par le sommeil. Le premier soldat que j’ai vu portait une cagoule. Je ne pouvais voir que ses yeux remplis de haine. Il m’a alors hurlé dessus, me demandant ma carte d’identité. Après vérification, les soldats présents ont appelé du renfort, en criant qu’ils avaient trouvé la personne qu’ils cherchaient.

A la seconde où j’ai compris que la force occupante venait bien pour moi, mon cerveau m’a envoyé un ordre clair : « Une nouvelle bataille commence là pour toi, cet ennemi ne doit pas te vaincre une seule seconde ». Ils m’ont forcé à m’asseoir sur une chaise et trois soldats m’entouraient, leurs armes pointées sur moi. Pendant ce temps-là, leurs collègues ont fouillé tout l’appartement, bouleversant les meubles, les livres, les vêtements… Je les sentais fébriles, ils s’énervaient, ils ne trouvaient rien de ce qu’ils cherchaient dans cet appartement.

Le commandant a fini par donner l’ordre de repli. Ils m’ont alors ordonné de m’habiller pour partir avec eux. En marchant vers la porte d’entrée de mon appartement, avant d’en sortir pour une durée qui m’était inconnue, je fixais la photo de mon fils accrochée au mur. Dans son regard, j’ai puisé de la force pour affronter les durs moments qui m’attendaient. Je l’imaginais me dire « Papa, sois fort, on sera vite réunis tous les trois ».

Je lui promettais alors de rester fort et de ne jamais donner l’occasion à cette occupation de nous confisquer notre humanité et de détruire notre vie, comme elle s’acharne à le faire. Ils me bandèrent ensuite les yeux et me conduisirent dans une voiture blindée. La marche vers ce nouveau destin commençait. Une marche pénible vers un monde que je ne connais que trop bien. Un monde dans lequel nous devons rester forts, humains et garder notre sourire en toute circonstance. Une nouvelle fois, je suis conduit dans ce véhicule blindé vers l’endroit le plus sombre et le plus misérable pour un être humain : une prison de l’occupant.

En arrivant dans la prison du Neguev, après deux semaines passées dans le centre d’interrogatoire, tout me semblait tristement familier. Je suis rentré dans la section 24, j’ai vite reconnu les visages que j’avais quittés il y a quelques années. Je n’ai pas su quoi leur dire, j’étais soudainement impressionné de les retrouver ici.

Parmi eux, certains sont derrière les barreaux depuis plus de quinze ans. Ils me questionnaient et je ne savais pas quoi leur répondre. « Qu’est-ce qui est arrivé, pourquoi es-tu là ? ». Je n’avais pas les réponses à leurs questions. Pas plus que je n’arrivais à leur parler de l’extérieur, eux, qui sont là depuis tant d’années. Que faisons-nous pour eux, pendant qu’ils paient le prix de leur lutte ? En les retrouvant, je me demandais si j’avais assez agi pour parler d’eux à l’extérieur. On a ensuite énormément discuté. Un détenu m’a dit « Ah, tu es de retour, on va parler de nous en France alors ! ».

J’ai réalisé alors que, malgré ma nouvelle privation de liberté, je n’avais aucun doute sur le fait que la mobilisation allait se mettre en place en France, c’est un véritable espoir pour moi et pour eux.  J’ai pensé à toutes les personnes qui avaient déjà lutté pendant ma première incarcération et depuis, toutes celles et ceux que j’ai rencontrés en France et en Palestine. Aucun doute qu’ils seraient tous à nouveau au rendez-vous pour dénoncer l’injustice qui nous frappe.

Et des éléments que je reçois par fragments, je sais que vous êtes même plus nombreux que la dernière fois ! Des personnalités que j’apprécie, des élu-e-s, des citoyen-ne-s en nombre, plus nombreux encore, vous vous êtes mobilisés pour dénoncer  l’injustice, l’arbitraire et pour exiger ma libération.

Je vous en remercie très sincèrement. Je veux vous dire aussi que je serai digne du soutien que vous m’accordez. On ne marchande pas la liberté même si on la paie parfois très chère. Ce n’est pas une question d’entêtement mais de dignité et de principe : pour la liberté je ne lâcherai rien. Le peuple palestinien, comme tous les autres, ne veut pas vivre à genoux.

Et quelle force cela nous procure que de savoir que, vous aussi, vous n’avez pas l’intention de lâcher. Cela, l’occupant ne le mesure pas. Moi je le ressens au fond de moi. Et c’est pourquoi, même quand il pleut, je pense au soleil qui vient… ».

Salah Hamouri
Novembre 2017, prison du Néguev, section 24

mercredi 8 novembre 2017

A Riss : Les insultes ne salissent que ceux qui les profèrent !


Dire aux Musulmans qu’ils ont à présent un sixième pilier dans leur religion et que ce pilier est un sexe en érection, c’est effectivement leur déclarer la guerre, mais c'est aussi les humilier gratuitement, gravement et pour longtemps !


mardi 7 novembre 2017

Praud, Rost et Evra : c’est pire que ce que vous pensiez !


C’est une séquence extrêmement intéressante - du moins à analyser - que nous a offerte CNEWS ce vendredi 3 novembre 2017. 
L’inénarrable Pascal Praud, animateur du 20h foot, recevait Jacques Vendroux, directeur des sports de Radio France, Cyprien Cini, journaliste chez RTL, Fabien Onteniente, réalisateur, et Rost, artiste et militant, pour une émission dédiée aux “dérapages” de Patrice Evra.



Après quelques minutes d’introduction et de rires, le débat s’ouvre. Rost, présenté dès le début comme « l’avocat de la défense », va tenter de contextualiser, sans forcément l’excuser, le coup de pied asséné par Evra à un supporter de l’Olympique de Marseille. Pour lui, cet accès de violence doit se lire, entre autres, à la lumière d’une carrière marquée par l’expérience quotidienne du racisme et des insultes négrophobes. Mais sur le plateau, l’artiste n’aura pas le temps de développer cette thèse. À peine le mot “raciste” est-il prononcé que Pascal Praud, censé incarner la neutralité, entre dans une colère noire - enfin blanche, pour le coup.
Cet extrait a fait le tour du web et a été largement commenté par de nombreux internautes et journalistes qui se sont focalisés sur la partie la plus spectaculaire de la “disjonction” du présentateur. Pascal Praud a “pété les plombs”, il a “hurlé”, a “agressé” un chroniqueur qui voulait simplement évoquer un contexte raciste. Oui, tout à fait, et en plus d’être souligné, cela devrait être vivement dénoncé. Mais la séquence prise dans son intégralité nous offre la possibilité d’aller bien au-delà et de décrypter les mécanismes de résistance, des plus subtils aux plus grossiers, qui se mettent en place à chaque fois que la question raciale est abordée ; des mécanismes favorisés par un dispositif médiatique qui étouffe les voix minoritaires. Pour cette seule émission, nous en avons relevés 7 !
7 réactions typiques que provoque toute tentative de discussion sur le sujet.


1. « Arrêtez de tout ramener au racisme, c’est obsessionnel chez vous. »


C’est le classico des mécanismes de résistance et des techniques de silenciation ; partout, tout le temps, par tous ceux qui ne veulent pas ou ne sont pas prêts à entendre parler de racisme. Cette injonction relève tellement de l’idéologie dominante que si Pascal Praud ne l’avait pas exprimée en sortant de ses gonds, la séquence serait passée inaperçue. À ce titre, notons - non sans une certaine ironie - que parmi les personnes qui se sont indignées du comportement du présentateur de CNEWS, nombreuses sont celles qui sont pourtant habituées à réclamer qu’on évite de “sortir la carte du racisme à tout bout de champ”. Bien plus que le fond de l’affaire, c’est la forme de la “disjonction” qui a suscité l’indignation.
Qu’est-ce que tout cela révèle ? D’abord, une incompréhension totale de ce qu’est le racisme et des effets qu’il produit. Pour Pascal Praud, ses acolytes, et une grande partie de leurs concitoyens, le racisme ne se conçoit que dans ses formes les plus bruyantes, visibles, brutales et interpersonnelles. Pour que cela soit un sujet, il faut qu’il y ait eu insulte, coup, agression ou discrimination manifeste mais surtout, que le caractère raciste soit clairement établi, de préférence par une figure d’autorité “neutre”, “objective” et “rationnelle” (par un homme blanc quoi). Or, évidemment, le racisme faisant système et apparaissant sous des formes particulièrement insidieuses, il n’est pas toujours aisé de le déceler. Il se niche dans les recoins de l’école, au travail, dans l’accès à des opportunités et des services, dans le partage des ressources, les productions et représentations culturelles, le traitement médiatique, les relations amicales, professionnelles, intimes mais aussi celles avec les institutions et administrations.
De même que c’est le racisme, pas ceux qui le combattent, qui produit la race, c’est le racisme, pas ceux qui le dénoncent, qui se “ramène à tout bout de champ”. Il marque ses victimes, dans tous les sens du terme. Rost a tenté de parler de l’impact psychologique de ce marquage systémique et systématique. Il faut, en effet, imaginer ce que c’est que de subir des attaques racistes, et en l’occurrence négrophobes, visibles et invisibles, tout au long de sa vie. Et si Pascal Praud a le luxe de pouvoir considérer que c’est une contextualisation accessoire, pour des millions de personnes en France, c’est loin d’être le cas.
Mais qu’importe, les hommes blancs autour de la table ont décidé que ce n’était pas le sujet. C’est l’autre versant de ce classico. L’injonction à ne pas “tout ramener au racisme” doit aussi être interprétée comme une invitation à ne pas sortir des cadres définis par (et pour) les bénéficiaires du système raciste. C’est un sujet “sensible” pour eux - l’adjectif est d’ailleurs utilisé à plusieurs reprises par Jacques Vendroux et Pascal Praud (ouais, je sais, le monde à l’envers) - il conviendrait donc de respecter les temps qu’ils aménagent pour en parler. Contrevenir à ses règles, c’est s’exposer à des accusations de “paranoïa”, de “racialisation” et/ou de communautarisme.


2. « Ton ami, Patrice Evra »


Forcément, un homme noir qui parle d’un autre homme noir, qui plus est pour le défendre, c’est du communautarisme. Cette allusion prend deux formes différentes. À la 15e minute d’abord, sans que l’on comprenne bien pourquoi, Pascal Praud commence l’interrogation suivante : « est-ce qu’il est possible d’arrêter que les communautés en France... ». Nous n’en saurons pas davantage. Rost, à qui la question est adressée, l’interrompt et lui explique que ce n’est pas le sujet. Mais quelques secondes plus tard, Fabien Onteniente, qui a sûrement deviné l’orientation du propos, ne peut s’empêcher de le commenter : « Pascal, faut pas que ça devienne un débat sur le communautarisme…vous avez saisi la balle au bond, doucement. » Bah oui, doucement Pascal. Parce que demander à Rost, seul homme noir du plateau rappelons-le, de répondre des actions et revendications de toutes les communautés (de quelles communautés parlons-nous d’ailleurs ?) et de se justifier pour elles, ce n’est vraiment pas le meilleur moyen de faire disparaître les débats sur le racisme. Au contraire.
La deuxième allusion à ce prétendu communautarisme, c’est à Jacques Vendroux que nous la devons. À deux reprises, le directeur des sports de Radio France utilise le qualificatif « ton ami » (10’43) pour parler de Patrice Evra à Rost. Problème, l’artiste explique qu’il ne connaît pas personnellement le footballeur et qu’il ne lui a même jamais parlé. De deux choses l’une donc : ou bien Jacques Vendroux estime que toutes celles et ceux qui ne sont pas d’accord avec lui sont forcément des “amis” d’Evra, ou bien il a décelé un lien particulier entre les deux hommes. Et étant donné que comme tout bon républicain qui se respecte, Vendroux ne-voit-pas-les-couleurs, on ne peut que s’interroger sur la nature de ce lien.
Ce qui est intéressant avec cette réaction, elle aussi régulièrement utilisée pour tenter de décrédibiliser toute dénonciation du racisme, c’est qu’elle repose sur une opposition fallacieuse entre l’universel et le communautaire. Le propos de Rost ne serait pas recevable parce qu’il serait subjectif, motivé par la volonté de défendre les “siens” au détriment des autres. Délicieux, n’est-ce pas ? Cinq hommes blancs autour de la table, une proximité évidente, un refus partagé d’évoquer la question raciale...mais c’est Rost qui apparaîtra, aux yeux du plus grand nombre, comme le "communautariste". Elle est pas belle la vie ?


3. « Vous parlez avec sincérité et émotion. »


Autre type d’opposition utilisée pour discréditer les propos de ceux qui dénoncent le racisme, celle qui consiste à placer le minoré - en l’occurrence ici le non-blanc - du côté de l’émotion, de l’affect, et à placer la parole dominante du côté de la raison. À plusieurs reprises durant l’émission, Pascal Praud rappellera à Rost « qu’il n’a pas raison » et que sa prise de position a beau être touchante car empreinte de « sincérité et émotion », elle n’en est pas moins irrecevable.
- « en l’espèce, vous n’avez pas raison et vous n’en savez rien. Vous allez chercher une explication qui est sans rapport avec les faits. »
- « Je comprends parce que votre histoire n’est pas la même que Jacques Vendroux donc je comprends que vous réagissiez avec sincérité comme Jacques Vendroux ne réagirait pas. Mais c’est pas parce que vous réagissez avec sincérité et émotion que vous avez raison. » (22’14)
Pour Pascal Praud, les propos de Rost semblent davantage relever du témoignage, d’une sorte de contribution subjective. En tant qu’homme noir, Rost ne peut pas avoir une position rationnelle, objective, claire, sur un sujet qui le concerne. Ce qui place Praud et ses acolytes du côté de la raison. C’est à eux, parce qu’ils sont blancs et donc neutres, d’établir et d’analyser le caractère raciste d’un fait.
Notons, une fois encore, l’ironie de la situation : c’est Pascal Praud, l’homme qui a littéralement disjoncté quand Rost a prononcé le mot “raciste”, qui explique à l’artiste qu’il réagit avec “émotion”. Par ailleurs, alors même que Jacques Vendroux a commencé son commentaire de l’affaire Evra en disant « je n’aime pas Patrice Evra, je ne l’aime pas, je ne l’ai jamais aimé de ma vie » (09’50), personne ne lui a reproché sa subjectivité.
Chaque détail compte.


4. « Sois gentil, sois gentil… tu mélanges tout. »


Que serait une discussion sur le racisme sans une dose de paternalisme ? La posture paternaliste - qui, sous ses airs de familiarité bienveillante, est une posture raciste - consiste à traiter les non-blancs en grands enfants. Ils ne savent pas vraiment ce qu’ils disent, ni ce qu’ils font, et c’est pour cette raison que leurs paroles et leurs actions doivent être mises sous tutelle, accompagnées, validées, mais aussi prises avec des pincettes. Sur le plateau de CNEWS, ce sont principalement Pascal Praud et Jacques Vendroux qui participent de cette infantilisation de Rost.
- « Rost, on est plutôt ami ? Bon...je vous aime beaucoup. Est-ce que vous entendez ce que je vous ai dit tout à l’heure ? » (14’56) tente de le raisonner Pascal Praud.
- « Rost, sois gentil, sois gentil, j’ai beaucoup de respect pour toi, sauf que tu mélanges tout ! Tu mélanges tout ! » lui dit le directeur des sports de Radio France (18’29).
Sans surprise, Rost est le seul invité de l’émission à avoir été traité de la sorte. Les prises de parole de tous les autres chroniqueurs ont été respectées, voire encouragées, même quand il s’agissait de marquer un désaccord avec la ligne Praud. À ce titre, il convient de souligner le rôle de ceux que l’on pourrait appeler les “traducteurs”. C’est, dans le cadre d’un débat sur le racisme, la mission que se donnent des “alliés” blancs qui estiment nécessaire d’expliciter, de reformuler et/ou de traduire, une pensée jugée confuse. Et ce, qu’ils y aient été invités par leurs interlocuteurs non-blancs ou pas. Évidemment, puisqu’elle est émise par des personnes bénéficiant d’une présomption d’objectivité et de compétences, la “traduction” n’est pas perçue et reçue de la même manière que les propos originaux. Là où la parole de Rost ne pouvait pas être fiable pour toutes les raisons évoquées précédemment, celle de Cyprien Cini (16’12) ou de Julien Pasquet apporte la crédibilité nécessaire. C’est assez intéressant d’ailleurs de voir comment Pascal Praud réagit à leurs interventions alors même qu’ils reconnaissent la validité de la thèse de Rost.
Toutes les personnes qui ont un jour entrepris de débattre sur le racisme ont été confrontés à ce type de réactions. Je me rappelle d’une conférence dans laquelle j’intervenais avec un journaliste blanc. Nous avions dressé exactement le même constat, l’avions inscrit dans la même Histoire et avions préconisé les mêmes changements. La seule différence ? J’ai eu le droit aux huées du public et à une bataille de sourcils froncés en guise de désaccord...alors que lui - qui, comble de l’ironie s’était contenté de “traduire” mon propos - a récolté tous les applaudissements. Quelle vie !


5. « C’est Najat qui le dit. »


Pris au dépourvu par les “traducteurs”, Pascal Praud va chercher du soutien sur...Twitter. Et quelle meilleure défense que l’utilisation d’une caution non-blanche pour lui donner raison ? En général, ce mécanisme de défense s’exprime par des phrases du type “moi, j’ai un ami noir qui dit le contraire” ou alors “mon voisin musulman n’est pas du tout d’accord avec toi”. Le but est simple : discréditer la parole dénonçant le racisme en la présentant comme minoritaire au sein même des “communautés” concernées. En gros, si un non-blanc dit “oui” et qu’un autre non-blanc dit “non”, le propos s’annule.
Cela est facilitée par la négation de l’individualité au coeur des processus de racisation. Rost n’est pas un individu à part entière, il est le représentant d’un groupe racial. Pour le contrer, il faut donc en appeler à un autre non-blanc qui représentera lui aussi son groupe racial et qui permettra à Pascal Praud de se dédouaner de tout racisme. Observez donc (16’30) la manière dont il utilise et présente le tweet d’une femme nommée Najat pour ce faire.


6. « Moi quand j’étais petit, on m’appelait le “petit gros”…bah j’en suis pas mort hein, franchement je suis pas traumatisé.  »


(28’09)
L’analogie trompeuse est l’une des autres techniques d’évitement utilisée par celles et ceux qui veulent minimiser ou occulter la question raciale. Elle est presque toujours centrée sur l’expérience de l’individu qui la développe. « Si j’ai vécu ça et que ça ne m’a rien fait, il n’y a pas raison pour que ce que tu vis te marque. » Au-delà de mettre sur le même plan des situations qui n’ont absolument rien à voir et dont les ressorts historiques, politiques, sociaux, économiques, etc, ne sont pas du tout comparables, ce genre de réaction révèle une incapacité à se décentrer et à donner du crédit à des expériences qui ne sont pas les nôtres. Jacques Vendroux ne dit pas autre chose quand il explique à Rost qu’il est le seul à avoir parlé de racisme et que personne autour de la table n’en a parlé (21’09). On se demande bien pourquoi.


7. « C’est tout sauf un martyr de la société. Faut arrêter de le faire passer pour une victime. »


Il était temps qu’elle fasse son entrée (20’50). Tadaaaaam : la rhétorique de la “victimisation”. C’est simple, à chaque fois que des minorisés osent dénoncer publiquement des expériences discriminatoires, et plus largement des systèmes de domination, ils sont renvoyés à une prétendue posture “victimaire”. L’objectif de silenciation et d’occultation du racisme comme fait social est ici manifeste. On voudrait que les non-blancs acceptent leur condition en silence, sans perturber les bénéficiaires du système raciste.
Ce qu’il y a d’ingénieux avec cette logique de “victimisation” c’est qu’en se nourrissant et en alimentant le sentiment de culpabilité des non-blancs, elle a réussi à s’imposer comme le repoussoir absolu. Personne ne veut être une victime, et si la preuve du “courage” doit passer par l’acceptation de la violence raciste, notamment dans ses formes les plus pernicieuses, alors ainsi soit-il. Autant dire que c’est un piège dont le seul but est le maintien d’un système de privilèges bénéficiant à la population majoritaire. Il s’agit de déplacer le débat sur le comportement et l’état d’esprit des dominés tout en invisibilisant les réalités et en tentant de museler les voix contestataires.
Si cette rhétorique prend autant, c’est qu’elle entretient la confusion entre l’analyse des impacts du racisme et les mécanismes de résistance mis en oeuvre par les non-blancs. En d’autres termes, évidemment que les non-blancs sont victimes du système raciste. Ce n’est pas se “victimiser” que de le dire, c’est poser les bases d’un constat objectif des conséquences sociales, économiques, politiques et psychologiques du racisme. Le racisme exclut, spolie, use, abuse, détruit, et tue ; par quel incroyable tour de magie pourrait-il ne pas faire de victimes ? Cela étant posé, lutter contre ce rapport social de domination, c’est tout mais alors tout sauf s’inscrire dans une logique victimaire. D’où la détermination et l’énergie déployées par les dominants pour faire taire ces voix.
Ce qui est marrant, dans cette séquence comme dans presque toutes les discussions sur le racisme, c’est qu’arrive toujours un moment où s’opère un subtil renversement de situation. Si les victimes du racisme sont enjointes au silence, à l’endurance, et que le droit à la “victimisation” leur est dénié, la fragilité des bénéficiaires du système raciste doit, elle, être prise en compte et respectée. Deux passages reflètent parfaitement bien cette asymétrie :
- 22’25 : Rost fait remarquer à Pascal Praud que le débat s’est envenimé quand il l’a “agressé”. Réponse de l’intéressé : « Ah non ! Ah Rost, ne dites pas ça ! Ah non ! Ah Rost, ne dites pas que je vous agresse... », épaulé par Jacques Vendroux qui ajoute « ah non, faut pas dire ça ». Bah non, faut pas dire ça. C’est pourtant simple : eux ont le droit de dire ce qu’ils veulent et il faut l’accepter mais ce n’est pas réciproque.
- 35’59 : Rost indique qu’il n’aime pas "la malhonnêteté intellectuelle". Pascal Praud lui rétorque alors "Ah non ! Ne me faites pas ce procès-là, vous êtes gonflé !" LOL.
- 36’21 : alors même que personne autour de la table n’a porté une telle accusation, Jacques Vendroux - visiblement agacé - lance à Rost « c’est tout juste si tu ne nous as pas traités de racistes... » ; Pascal Praud plussoie « c’est pas tout à fait faux ce que dit Jacques Vendroux hein... », puis le directeur des sports de Radio France de renchérir (41’38), non sans une certaine émotion, « ma mère, qui a essayé de me donner une éducation à peu près correcte, vient d’apprendre par l’intermédiaire d’une télévision que je suis raciste ! Non mais vous vous rendez compte ? » Pauvres petits bichons !
Mais rassurez-vous, grâce aux bons mots de son ami Fabien Onteniente, Jacques Vendroux a vite retrouvé le sourire ! Bah oui, quoi de mieux qu’une blague pour oublier ses peines ! À la 42e minute, le réalisateur de Camping invite ainsi Vendroux à se « faire la même coupe de cheveux » pour rendre hommage à Rost et apaiser les tensions. Rires des intéressés.
Il y aurait encore tant à dire sur la violence de cet épisode, sur le dispositif médiatique qui l’a favorisée et sur le rôle de ces journalistes qui, à l’instar de Pascal Praud, agissent comme les chiens de garde du système. Ce n’est qu’un exemple parmi tant d’autres de la spécificité du traitement médiatique réservé aux non-blancs et des stratégies d’évitement systématiquement mises en place pour éviter les débats sur le racisme.



Sihame Assbague / mardi 7 novembre 2017 / Analyses  / Médias  / Racisme

jeudi 19 octobre 2017

Pénalisation du harcèlement de rue ? De nombreux chercheurs s'y opposent ...

Contre la pénalisation du harcèlement de rue

Publié dans liberation.fr le 26 septembre 2017

Agresser verbalement une femme est interdit dans tout espace public. Pourquoi dès lors viser spécifiquement un lieu fréquenté par des populations socialement et racialement stigmatisées ?

Depuis quelques jours, la question du harcèlement de rue est revenue sur le devant de la scène avec l’annonce de la secrétaire d’Etat chargée de l’Egalité entre les femmes et les hommes, Marlène Schiappa, de la préparation, en collaboration avec le ministre de l’Intérieur, d’un projet de verbalisation du harcèlement de rue (1). Quelques jours plus tard, quelques lignes dans Libération expliquaient qu’un groupe de travail allait être chargé de proposer une loi pour faire de ce problème une infraction et donc le pénaliser.

Cette question n’est pas nouvelle. Elle traduit les transformations des mobilisations féministes qui, depuis les années 70, dénoncent le contrôle du corps des femmes exercé par les hommes dans l’espace public, c’est-à-dire dans la rue, mais aussi dans d’autres espaces ouverts au public, les hôpitaux, les universités, les lieux de loisirs ou de travail.

Plus récemment, les revendications contre le «harcèlement de rue», portées sur les réseaux sociaux, ont permis d’interroger la banalité d’actes, de réflexions, voire d’insultes et d’attaques qui agressent les femmes dans la rue. Ces actes ne peuvent s’apparenter à de la simple drague dès lors que l’une des deux parties refuse explicitement ou ne manifeste pas d’intérêt. Ces situations sont autant de manières de limiter l’usage que les femmes peuvent avoir des espaces publics.

Expérimentée en Belgique, la pénalisation du harcèlement de rue est largement inefficace 

On pourrait se réjouir que le droit des femmes à la ville fasse l’objet de l’attention publique. Toutefois, ce projet de pénalisation pose problème. Comme le montrent les difficultés de mise en œuvre de l’arsenal institué en Belgique. Dès 2012, Bruxelles instaurait des sanctions administratives contre le harcèlement de rue et les injures sexistes. Deux ans plus tard, une loi contre le sexisme dans l’espace public était adoptée et s’appliquait au pays. Le dépôt de plainte est très faible puisque, comme pour d’autres atteintes aux corps des femmes, la charge de la preuve continue de leur incomber. Qui plus est, ces nouvelles infractions se superposent à un arsenal législatif déjà existant.

Il suffirait d'appliquer la loi actuelle

De la même façon en France, les insultes, le harcèlement et les atteintes physiques et sexuelles sont déjà considérés comme des infractions. Pourquoi alors créer une infraction spécifique quand il suffirait de former les acteurs de terrain pour les amener à changer leurs pratiques ? Alors que la chaîne pénale a déjà du mal à prendre en compte les crimes de viol et d’agressions sexuelles, mieux vaudrait développer la formation des personnels de police, des juges et des avocats pour expliquer les rouages des violences sexuelles et le continuum existant entre toutes ces formes de violence, dans tous les espaces sociaux.

En même temps on réduit les subventions aux associations féministes

On peut donc légitimement se poser la question de la volonté de pénaliser, alors même que les coupes budgétaires drastiques de ce gouvernement affecteront les associations féministes de promotion des droits des femmes, et notamment celles qui se trouvent au cœur des dispositifs de lutte contre les violences de genre.

Pourquoi une loi ne visant que la rue ?

En insérant la catégorie «harcèlement de rue» dans le domaine pénal, la rue devient précisément la cible renouvelée des politiques publiques. Du même coup, elle vise les populations qui l’occupent, lesquelles appartiennent souvent aux fractions paupérisées et racisées. D’autres terminologies pourraient souligner que le contrôle du corps des femmes ne s’applique pas seulement à la rue, qu’il existe également dans les entreprises, les universités ou les lieux de loisirs, et jusque dans leur foyer.

Ainsi, le problème de cette catégorie et plus encore des projets de verbalisation et de pénalisation est bien de circonscrire une catégorie spécifique d’actes jugés inacceptables - le harcèlement de rue - et une catégorie de personnes - les hommes des classes populaires et racisées - qui sera jugée particulièrement problématique. Or, on sait que les jeunes hommes des classes populaires et racisées subissent déjà, plus que d’autres, le contrôle policier et les violences des forces de l’ordre. On peut donc légitimement craindre que cette nouvelle infraction viendra renforcer cet état de fait.

Verbaliser ou pénaliser le harcèlement de rue ne répondra pas aux différentes formes de contraintes sur le corps et la mobilité des femmes, dans la rue et ailleurs. Constituer une nouvelle infraction ne fera que renforcer la répression et le contrôle des hommes des catégories défavorisées. En tant que féministes et chercheur.e.s sur les violences de genre, nous nous opposons à la pénalisation d’une question liée aux droits des femmes, qui servira à désigner quelles formes de sexisme sont illégitimes, et donc à maintenir dans l’ombre celles qui, commises dans les beaux quartiers et les grandes entreprises, restent légitimes et irrépréhensibles.

Elizabeth Brown Université Panthéon-Sorbonne, Paris-I Natacha Chetcuti-Osorovitz Centrale Supélec et Idhes-ENS, Alice Debauche Université de Strasbourg, Pauline Delage Université Lumière, Lyon-II, Eric Fassin Université de Vincennes-Saint-Denis, Paris-VIII, Claire Hancock Université Paris-Est Créteil, Maryse Jaspard Université Paris-I Panthéon-Sorbonne, Solenne Jouanneau Université de Strasbourg, Hanane Karimi Université de Strasbourg, Amandine Lebugle Ined, Véronique Le Goaziou Lames-CNRS, Marylène Lieber Université de Genève, Marta Roca i Escoda Université de Lausanne, Sylvie Tissot Université de Vincennes-Saint-Denis, Paris-VIII, Mathieu Trachman Ined.

(1) http://www.bfmtv.com/societe/marlene-schiappa-annonce-la-verbalisation-du-harcelement-de-rue-1254290.html

mercredi 18 octobre 2017

Nul ne doit accepter le déferlement de haine raciste dont est victime Danièle Obono !!!





L’hebdomadaire français d’extrême droite Minute a mis une photo de la députée insoumise Danièle Obono à sa « une » avec le titre choquant « Mais qu’on la fasse taire, bordel ! ». Il s’agit du dernier acte d’une campagne lâche et nauséabonde de dénigrement et d’injures menée depuis plusieurs mois à l’encontre de la députée de 37 ans.


Danièle Obono est née au Gabon et y a vécu jusqu’à la préadolescence avant de rejoindre la France, pays dont elle a acquis la nationalité en 2011. Lors des dernières législatives, elle est devenue députée du mouvement La France insoumise. Depuis cette élection qui l’a propulsée sur le devant de la scène politique nationale, elle fait face à des agressions racistes quotidiennes.

D’abord, c’est dans le studio de l’émission « Les Grandes Gueules » sur les ondes de RMC qu’elle a été sommée de prouver son attachement à son pays d’adoption en clamant un « Vive la France ! ». Ses procureurs s’offusquaient qu’elle ait signé, en 2012, aux côtés de nombreuses personnalités françaises (dont Eva Joly, Noël Mamère, Clémentine Autain) que personne n’a songé pourtant à inquiéter, une pétition pour défendre la liberté d’expression parue dans Les Inrockuptibles au sujet d’une chanson de rap intitulée « Nique la France ». Des mois plus tard, c’est son foulard noué en coiffe « à l’africaine » qui a été jugé scandaleux et déshonorant pour le Parlement français. J’élude les accusations sordides lancées par Manuel Valls de liens avec l’islamisme politique et d’accointances avec les courants antisémites et sur le fatras de sottises visant à la discréditer.
Il ne reste qu’à ajouter qu’elle garde des bébés blancs dans son réfrigérateur qu’elle consomme avec du couscous chaque vendredi.
Périmètre identitaire étriqué

« L’Insoumise » est victime d’attaques violentes de journalistes et de citoyens, car elle est une jeune femme noire qui, de surcroît, a décidé de ne pas se taire. Son identité composite est un problème pour de nombreuses personnes qui vivent encore dans le mythe de la France blanche et chrétienne. Leur France au périmètre identitaire étriqué peut faire des concessions aux femmes dans le milieu politique – et encore – si celles-ci ont la bonne couleur de peau. Les pourfendeurs d’Obono ne tolèrent pas qu’on confère une écharpe tricolore ou un maroquin à des « bougnoules », « bamboulas » et autres « nègres ».
Peut-on critiquer Danièle Obono ? Oui. Peut-on s’opposer vigoureusement à ses prises de position ? Oui, quand notamment ici, sur son blog, elle a du mal à exprimer de la compassion vis-à-vis des victimes de Charlie Hebdo. Et aussi lorsqu’elle évoque et dénonce la censure dont serait victime Dieudonné. S’y ajoute, le 1er octobre, sa prise de position sur les conducteurs de bus refusant de prendre la relève d’une collègue femme. Là encore, avant même de répondre aux arguments de Mme Obono qui y voit davantage un problème de discrimination et de sexisme qu’une radicalisation relevant de la loi d’exception sur la lutte contre le terrorisme, Jeannette Bougrab l’affuble, sur le plateau de l’émission « La République » de LCI, du qualificatif d’« idiote utile ». Certes la députée de Paris commet des maladresses et prend des positions discutables sur des sujets clivants. Mais elle mérite qu’on lui oppose des arguments rigoureux, car elle a choisi le combat syndical, associatif et politique de terrain, fait de bagarres, de coups à recevoir et à donner. Et aussi celui des idées.

Mais nul ne doit accepter le déferlement de haine raciste dont elle est victime. On lui reproche, de façon parfois hystérique, d’être une femme noire qui refuse de se taire, de ne pas se vautrer dans la case de ses origines ou de ne pas exprimer au quotidien sa gratitude vis-à-vis du pays qui l’a accueillie et, l’intégrant symboliquement dans sa communauté nationale, lui a donnée sa nationalité. Elle n’est pas dans la célébration vaseuse et candide de cette France universelle qui accueillerait tous les fils de la Terre et leur permettrait de réaliser leurs rêves. Son irrévérence, si précieuse, lui vaut cette campagne infecte.
Couleur de peau et origine

Mais cette cabale odieuse contre Danièle Obono n’est pas inédite. Les femmes politiques noires et arabes en France sont souvent l’objet d’une réelle stigmatisation. Rachida Dati, Christiane Taubira ou encore Najat Vallaud-Belkacem, femmes diplômées et brillantes mais souvent appréhendées selon leur couleur de peau et leur origine, donc haïes pour ce qu’elles sont ; elles ont subi de violentes attaques dont les relents racistes étaient évidents.

Plus récemment, Sibeth Ndiaye est devenue la nouvelle victime de ce que l’essayiste américain Ta-Nehisi Coates appelle « la violence symbolique qu’on inflige au corps noir ». L’éditorialiste de L’Express, Christophe Barbier, allant même jusqu’à assumer qu’une jeune femme noire, malgré et ses diplômes et son statut de fonctionnaire au cabinet du président de la République français, reste une gamine de cité au langage ordurier.
Les détracteurs de Mme Obono ne la pensent digne que de faire la queue devant la CAF ou les Restos du cœur, inspirant le dégoût par ci et la pitié par-là, mais nullement de représenter le peuple français. Or cette France raciste, misogyne et conservatrice devra subir l’image pendant cinq ans d’une femme noire arborant son écharpe tricolore et siégeant au palais Bourbon.

Il y aura d’autres Danièle Obono au Parlement français, dans les ministères et même un jour à l’Elysée, car la marche de l'Histoire est ainsi faite. La France blanche, chrétienne, au risque de terroriser certains petits esprits, est finie. Terminée. L’avenir du monde est le métissage avait prédit un illustre français, qui a siégé dans le même Hémicycle que Danièle Obono aujourd’hui : il s’appelait Léopold Sédar Senghor.

Par Hamidou Anne, lemonde.fr à retrouver ici.

mardi 17 octobre 2017

Journée mondiale du refus de la misère ... En finir avec les clichés sur les pauvres

A l’occasion de la Journée mondiale du refus de la misère, mardi 17 octobre, Anne-Aël Durand du journal Le Monde a rassemblé les clichés et idées reçues sur la pauvreté. Ce travail, loin d’être exhaustif de l'avis même de la journaliste, s’inspire notamment du travail accompli par l’association ATD Quart Monde


Idée reçue n° 1 : « Les pauvres profitent du système »

 FAUX 
Les aides sociales sont un mécanisme de solidarité destiné à porter assistance aux personnes en situation de pauvreté, de dépendance ou de handicap… à condition qu’elles atteignent les personnes concernées.
Si des responsables politiques, tel Laurent Wauquiez, dénoncent le « cancer de l’assistanat » ou la fraude aux allocations (qui existe, mais reste limitée, voir idée reçue no 3), la puissance publique s’inquiète plutôt du phénomène inverse : le non-recours aux prestations sociales. Comme le résume un rapport d’information de l’Assemblée nationale, « à quoi bon des organismes de protection sociale s’ils ne parviennent pas à venir en aide à ceux qui en ont besoin ? » Ce non-recours peut être lié à l’ignorance des aides existantes, à la difficulté pour la recevoir (démarches complexes) ou même au choix de ne pas le demander, parfois de crainte d’être stigmatisé.
L’Observatoire des non-recours (Odenore) avait publié en 2011 une étude montrant que 50 % des personnes éligibles au revenu de solidarité active (RSA) ne le touchaient pas. Ce taux atteignait 68 % pour le tarif « première nécessité électricité » d’EDF ; entre 50 % et 70 % pour la couverture maladie universelle complémentaire (CMU-C) ; 70 % pour l’aide au paiement d’une complémentaire santé (ACS). Soit plus de 10 milliards d’euros non réclamés.
Une étude plus récente menée dans deux départements français publie des estimations de 36 % de non-recours au RSA, et entre 21 % et 34 % pour la CMU-C.

Idée reçue n° 2 : « Les pauvres sont mieux soignés que les autres grâce à la CMU et à l’AME »

 FAUX 
En 2016, plus d’un quart des assurés sociaux (26,5 %) ont renoncé à se faire soigner, en particulier pour les dents ou les yeux, selon une enquête de l’Observatoire des non-recours (Odenore). Les premières raisons invoquées sont un « reste à charge » trop élevé (ce qu’il reste à payer après la Sécurité sociale) ou l’impossibilité d’avancer les frais. Ces chiffres s’expliquent également par le taux élevé de non-recours à la couverture maladie universelle (CMU, actuellement remplacée par la protection universelle maladie, ou PUMA) ou à l’aide à la complémentaire santé.
L’Assurance-maladie s’inquiète de cette situation, qui dégrade l’état de santé des personnes concernées et pourrait générer à terme des dépenses supplémentaires pour toute la collectivité. L’organisme a même lancé des opérations spécifiques contre le renoncement aux soins.
Quant à l’aide médicale d’Etat (AME), elle est réservée aux étrangers sans papiers, pour un nombre restreint de soins (en particulier vaccin, accouchement, lutte contre le VIH ou la tuberculose). Son coût est régulièrement dénoncé par la droite et l’extrême droite, mais sa suppression risquerait d’augmenter la propagation des affections contagieuses.
Lire aussi :   Idées reçues sur les migrants (3/6) : « Ils viennent en France pour se faire soigner »


Idée reçue n° 3 : « La fraude aux prestations sociales est massive »

 PLUS COMPLIQUÉ 
Les prestations versées sous conditions de revenus peuvent être détournées par de mauvaises déclarations des revenus ou de la situation familiale. L’ensemble des fraudes constatées par la branche famille de la Sécurité sociale (intentionnelles ou non) atteignait 248 millions d’euros en 2015, dont 62 % concernent le RSA et 21 % les aides au logement, selon le Comité national de lutte contre la fraude. Ces montants ne sont pas négligeables, mais restent minimes par rapport aux dépenses globales : 12,9 milliards d’euros versés pour le RSA et 13,2 milliards pour les APL en 2015.
Les chiffres augmentent chaque année, sous l’effet de meilleurs contrôles. La fraude détectée par la Sécurité sociale est ainsi passée de 482 millions d’euros en 2011 à plus d’un milliard d’euros en 2015, dont seulement 60 % pour les prestations.
Ces montants sont toutefois sans commune mesure avec ceux de la fraude fiscale : en 2015, les opérations de la direction générale des finances publiques ont permis de « rectifier » 21,2 milliards d’euros, dont 12,2 milliards ont été encaissés. La cellule mise en place par Bercy pour rapatrier les avoirs des particuliers à l’étranger a permis à elle seule de récupérer 2,85 milliards d’euros. Les fraudes aux taxes douanières ont aussi atteint une somme record de 377 millions d’euros.



Idée reçue n° 4 : « On vit mieux en cumulant le RSA et les allocations qu’en travaillant au smic »

 FAUX 
S’il existe une catégorie inquiétante de travailleurs pauvres qui peinent à joindre les deux bouts, avoir un emploi reste toujours plus avantageux que de toucher les minima sociaux. Le smic net mensuel s’établit à près de 1 150 euros, soit deux fois plus que le montant du RSA pour une personne seule (545 euros).
L’association ATD Quart Monde rappelle que la plupart des prestations sociales (APL, allocations familiales, tarifs sociaux du gaz et de l’électricité) continuent à être versées aux personnes gagnant le smic. Elle a réalisé plusieurs simulations en 2016, avec différentes configurations familiales. Résultat, les écarts de revenus entre travailleurs au smic et bénéficiaires du RSA sont au minimum de 300 euros par mois pour un célibataire et peuvent atteindre près de 700 euros pour un couple avec deux enfants.
Par ailleurs, pour éviter l’effet de seuil, les personnes qui travaillent à temps partiel ou qui gagnent moins de 1,3 smic peuvent voir les revenus de leur travail complétés par la prime d’activité.


Idée reçue n° 5 : « Quand on cherche vraiment du travail, on en trouve »

 FAUX 
Les responsables politiques déplorent régulièrement la quantité d’emplois non pourvus en France : 350 000, selon François Rebsamen en 2014 ; 600 000, selon Jean-Christophe Lagarde en 2017. Sans compter les « 1,7 million d’intentions d’embauche » évoqués en 2015 par Pôle emploi. Qu’attendent donc les chômeurs pour occuper tous ces postes vacants ?
La réalité n’est pas si simple : en premier lieu, les intentions d’embauche sont des déclarations, qui reflètent les aspirations des entreprises mais pas des postes réellement à pourvoir. Quant aux emplois non pourvus, il s’agit de la photographie à un instant donné d’un flux qui agrège des emplois vacants depuis longtemps et d’autres qui sont disponibles seulement quelques jours. Parmi ces emplois, une grande partie peut être retirée ou pourvue en interne. Enfin, les qualifications et la situation géographique ne correspondent pas toujours au profil des demandeurs d’emploi. Toutes ces considérations permettent de relativiser l’idée d’un vivier d’emplois disponibles.
Et dans tous les cas, les chiffres avancés sont loin de répondre au problème structurel du chômage de masse : 3,5 millions de personnes n’ont aucun emploi et plus de 2 millions de salariés exerçaient une activité réduite en France à la fin d’août 2017.


Idée reçue n° 6 : « Les pauvres s’en sortent bien, parce qu’ils paient tout moins cher »

 FAUX 
Si les personnes à faibles ressources peuvent avoir des tarifs réduits sur certaines prestations liées à l’Etat ou aux collectivités (EDF, transport en commun, cantine ou garde d’enfant, entrée dans les musées, etc.), elles paient plus cher que la moyenne pour d’autres biens et services du secteur privé. Le surcoût peut atteindre entre 3 % pour les assurances et 20 % pour les prêts à la consommation, selon une étude du Boston Consulting Group, reprise dans un rapport du Sénat. L’achat en petite quantité fait augmenter les prix unitaires, par exemple dans la téléphonie, où il peut revenir jusqu’à 30 % plus cher d’utiliser des cartes prépayées plutôt qu’un forfait mensuel. Le logement suit également cette logique, puisque les prix au mètre carré sont plus élevés pour les petites surfaces.
Ce paradoxe est qualifié par les chercheurs de « pénalité de pauvreté » ou « double peine de la pauvreté ».

Source lemonde.fr : à retrouver ici.



ATD Quart Monde publie un livre pour tous les citoyens curieux de comprendre les grandes questions qui agitent nos sociétés, au-delà  des apparences et des discours faciles. 
Cette nouvelle version entièrement mise à jour et augmentée permet de démonter point par point une centaine d’idées reçues sur la pauvreté.

EN FINIR AVEC LES IDÉES FAUSSES SUR LES PAUVRES ET LA PAUVRETÉ – 3E ÉDITION (2017) de Claire Hédon, Jean Christophe Sarrot, Marie-France Zimmer

Nombre de pages : 224  |  prix: 5,00€ TTC  |  isbn: 979-10-91178-41-9
Editeur: ÉDITIONS QUART MONDE/ÉDITIONS DE L'ATELIER
Date de parution : 2016



dimanche 15 octobre 2017

Rohingyas : le nettoyage ethnique continue dans l'indifférence !

Des villages brûlés, des femmes violées, des hommes et des enfants assassinés. Ces dernières semaines, le sort réservé aux Rohingyas en Birmanie a ému le monde entier. La communauté internationale n’hésite plus à parler de crimes contre l'humanité. Pour un des experts qui travaille depuis plus de 20 ans pour l'ONG Human Watch il s'agit des pires histoires entendues dans sa vie. 

Attention le reportage d'Envoyé spécial ci-dessous comportent des images choquantes.





mercredi 23 août 2017

mardi 25 avril 2017

Robert Ménard condamné pour "provocation à la haine et la discrimination"




Paris (AFP) - Le maire de Béziers Robert Ménard, proche du Front national, a été condamné mardi à 2.000 euros d'amende pour "provocation à la haine et la discrimination" pour avoir déclaré qu'il y avait trop d'enfants musulmans dans les écoles de sa ville.

Le tribunal correctionnel a également accordé entre un euro symbolique et mille euros de dommages et intérêts et mille euros de frais de justice à sept associations antiracistes parties civiles, dont la LICRA, le MRAP, la Ligue des droits de l'Homme, SOS racisme et la Maison des potes.


Le procureur avait requis 1.800 euros d'amende contre l'édile considérant que ce dernier avait "montré du doigt des gosses" qu'il décrit comme un poids pour la communauté nationale. "Il les réduit à leur religion, peu importe qu'ils aient la nationalité française ou ne pratiquent pas cette religion", avait-il dénoncé.
L'avocat de Robert Ménard avait plaidé la relaxe en appelant le tribunal à ne pas prononcer "une peine de mort de la liberté de penser".

L'élu était poursuivi pour avoir publié sur Twitter le 1er septembre 2016 le message suivant: 
"#rentréedesclasses: la preuve la plus éclatante du #GrandRemplacement en cours. Il suffit de regarder d'anciennes photos de classe".
Il est également visé pour avoir déclaré sur LCI le 5 septembre: 
"Dans une classe de centre-ville de chez moi, 91% d'enfants musulmans. Évidemment que c'est un problème".
La "provocation à la haine" est passible d'un an de prison et de 45.000 euros d'amende.

lundi 24 avril 2017

1er tour Présidentielle 2017 : résultats définitifs



Le ministère de l'intérieur vient de mettre en ligne les derniers résultats. La participation a été de 77,77 %. 
Les résultats sont les suivants :
  • Emmanuel MACRON 24,01 %
  • Mme Marine LE PEN 21,30 %
  • M. François FILLON 20,01 %
  • M. Jean-Luc MÉLENCHON 19,58 %
  • M. Benoît HAMON 6,36 %
  • M. Nicolas DUPONT-AIGNAN 4,70 %
  • M. Jean LASSALLE 1,21 %
  • M. Philippe POUTOU 1,09 %
  • M. François ASSELINEAU 0,92 %
  • Mme Nathalie ARTHAUD 0,64 %
  • M. Jacques CHEMINADE 0,18 %
Les bulletins blancs représentent 1,78 % des suffrages, et les nulls 0,77 %.

1er tour Présidentielle 2017 : résultats au Plessis-Robinson



mardi 18 avril 2017

Le programme antieuropéen de Marine Le Pen dénoncé par 25 Nobel d’économie

Dans une tribune au « Monde », des lauréats du célèbre prix, dont Joseph Stiglitz et Jean Tirole, se prononcent en faveur de l’Europe et de la monnaie unique.


TRIBUNE. Certains d’entre nous, lauréats du prix Nobel d’économie, ont été cités par des candidats à l’élection présidentielle française, notamment par Marine Le Pen et ses équipes, pour ­justifier un programme politique sur la question de l’Europe. Les signataires de cette lettre ont des po­sitions différentes sur les sujets complexes que sont l’union monétaire et les politiques de ­relance. ­Cependant, nos opinions convergent pour condamner cette instrumentalisation de la pensée économique dans le cadre de la campagne électorale française.

– La construction européenne est capitale non seulement pour maintenir la paix sur le continent mais également pour le progrès économique des États membres et leur pouvoir politique dans le monde.

– Les évolutions proposées par les programmes anti européens déstabiliseraient la France et re­mettraient en cause la coopération entre pays européens, qui assure aujourd’hui une stabilité économique et politique en Europe.

– Les politiques isolationnistes et protectionnistes et les dévaluations compétitives, toutes menées au détriment des autres pays, sont de dangereux moyens d’essayer de générer de la croissance. Elles entraînent des mesures de représailles et des guerres commerciales. Au final, elles se révéleront préjudiciables à la France ainsi qu’à ses partenaires commerciaux.

– Quand ils sont bien intégrés au marché du travail, les migrants peuvent être une opportunité économique pour le pays d’accueil. Plusieurs des pays les plus prospères au monde ont su accueillir et intégrer les émigrés.

– Il y a une grande différence entre choisir de ne pas rejoindre l’euro en premier lieu et en sortir après l’avoir adopté.

– Il faut renouveler les engagements de justice sociale, et ainsi garantir et développer l’équité et la protection sociale, en accord avec les valeurs traditionnelles de la France, de liberté, d’égalité et de fraternité. Mais l’on peut et l’on doit parvenir à cette protection sociale sans protectionnisme économique.

– Alors que l’Europe et le monde font face à des épreuves sans précédent, il faut plus de solidarité, pas moins. Les problèmes sont trop sérieux pour être confiés à des politiciens clivants.



Angus Deaton (Princeton, prix Nobel en 2015), Peter Diamond (Massachusetts Institute of Technology, 2010), Robert Engle (université de New York, 2003), Eugene Fama (Chicago, 2013), Lars Hansen (Chicago, 2013), Oliver Hart (Harvard, 2016), Bengt Holmström (MIT, 2016), Daniel Kahneman (Princeton, 2002), Finn Kydland (Carnegie-Mellon, 2004), Eric Maskin (Harvard, 2007), Daniel McFadden (Berkeley, 2000), James Mirrlees (Cambridge, 1996), Robert Mundell (Columbia, 1999), Roger Myerson (Chicago, 2007), Edmund Phelps (Columbia, 2005), Chris Pissarides (London School of Economics, 2010), Alvin Roth (Stanford, 2012), Amartya Sen (Harvard, 1998), William Sharpe (Stanford, 1990), Robert Shiller (Yale, 2013), Christopher Sims (Princeton, 2011), Robert Solow (Columbia, 1987), Michael Spence (Stanford, 2001), Joseph Stiglitz (Columbia, 2001), Jean Tirole (Toulouse School of Economics, 2014).

L'article du Monde est à retrouver ici

mardi 11 avril 2017

Du mépris de classe !

Ce lundi 10 avril marque le début de la campagne électorale officielle et donc celui de la diffusion des clips de campagne des candidats sur les chaînes publiques. Philippe Poutou a choisi de répliquer après la séquence consternante sur le plateau de "On est pas couché" d'une élite hilare sur la question des licenciements et qui ne se cache même plus pour humilier le candidat à la présidentielle.






Philippe Poutou - On n'est pas couché 1er avril 2017 #ONPC



lundi 3 avril 2017

Palestine, la cause interdite


Actuellement François Hollande apparaît  un peu mou de la bombe. Après avoir rêvé de lâcher ses « Rafale » sur Damas, puis pilonné le Mali, la Syrie et l’Irak -et applaudi au carnage du Yémen- cet homme de fer est-il soudain résilient ? En panne ? Je lui confie donc une idée : si tu allais écrabouiller les supporteurs du Celtic de Glasgow… Voilà des mal-élevés qui s’entêtent à brandir des drapeaux palestiniens dans  leur stade de foot, à hurler vive le BDS ! Des criminels de guerre en devenir, qu’il faut d’urgence punir. Et d’une double peine puisqu’ils sont d’une origine sociale qu’Hollande méprise.

Tous ces égarés sont des prolétaires, fils ou filles d’hommes rudes : des « sans dents » descendants de « sans dents », aussi des supporters de l’Irlande libre.  Hollande ne doit pas oublier sa promesse d’un soir où, en goguette chez les Netanyahou, il a déclaré la main sur la pochette de son petit costume : « Je ne sais pas chanter mais suis prêt à apprendre pour louer la gloire d’Israël ! » Mauvais karma, à l’époque on trouvait à ses côtés, en témoin, une fille d’édentés, Valérie Trierweiller. Allez Président avec dents, fais-nous plaisir. Faute de raser les hooligans du Celtic sort au moins l’article 16 de la boite à pharmacie de l’Elysée, proclame un édit que je rédige pour toi : « Toute manifestation de soutien à la Palestine est interdite à vie sur l’ensemble territoire de la France ». Ah ! Qu’est-ce que l’on perd comme  temps en formalités.

Car, au pays dit des « Droits de l’Homme », le processus d’interdiction de manifester toute forme de soutien au peuple colonisé par Israël est en marche. Pour rire,  déposez donc un projet de réunion publique dans une préfecture hexagonale et vous verrez. C’est non. Au mieux à trois heures du matin dans les ruines d’une friche industrielle, autrement dit sur la lune. Soyons clair, estimer que le sort fait à la Palestine est illégal et injuste est devenu une affirmation antisémite. Fini le temps où Valls plantait des arbres pour soutenir les frères de Gaza et Ramallah. Les oliviers sont coupés. Nous avions alors de 7 à 77ans, nous défilions en hurlant librement et sans ombre, sans ambiguïté ni arrière-pensée pour la Palestine. En ces années nous n’étions pas « antisémites » et l’idée de nous accuser de cette monstruosité ne venait à personne. Nous n’avons pas changé et pourtant nous sommes aujourd’hui ceux que l’on stigmatise. Les réprouvés criminalisés.

Que nous est-il arrivé ? Qu’est-il arrivé à une cause historiquement et juridiquement irréfutable devenue interdite ? Tout a basculé à la chute du Mur. Le communisme est mort, confinant son utopie aux mètres cubes du mausolée de Lénine. Une partie du monde, une partie des êtres, a alors cessé de rêver le meilleur pour les autres, se consacrant maintenant à l’examen studieux de son nombril.  L’attentat newyorkais du  « 11 Septembre » a été le coup de grâce de la « cause » palestinienne. Désormais tout citoyen né dans un monde dit « arabe » est un terroriste, comment le défendre même s’il a des droits.

Un fils de philistin, combattant pour sa liberté depuis près d’un siècle, devenait de facto un barbare d’al-Qaïda ou de Daesch.  Principe de précaution : il faut claquemurer cette engeance sous un sarcophage digne de Tchernobyl.  Et nous, vieux citoyens du monde, vieux marxistes, vieux anars, vieux cathos vieux gaullistes et vrais démocrates, nous survivants, il nous faut, dans notre Arche de Noé, tenter de maintenir en vie l’idée de lutter pour une Palestine sauve et libre. Difficile, cruel et même dangereux. Qu’un ministre Turc vienne en France pour faire la campagne des Frères Musulmans, c’est « oui » pour le meeting (et tant mieux). Qu’une ONG veuille manifester contre la mort qui tombe en Palestine…dans une inversion et une perversion du droit, c’est alors « non ».

Nous aussi sommes face à un mur,  par exemple celui maçonné par Nathalie Kosciusco-Morizet, une élue qui a appris de Fillon l’honnêteté et l’art de manier la truelle dans les salons de la haute bourgeoisie. Suite à une manifestation qui a quand même pu se tenir à Paris, voilà ce que cette amie de la liberté écrit :

 « Alors que le Premier ministre avait annoncé que des dispositions seraient prises pour empêcher ce type de rassemblement, une manifestation a pu se tenir ce week-end dans les rues de Paris. La prolongation de l’état d’urgence vous donne pourtant, monsieur le Préfet de Police, les moyens de les interdire »… « Je vous demande de n’autoriser aucun rassemblement appelant au boycott de l’Etat d’Israël et de poursuivre systématiquement tout rassemblement non autorisé incitant à la haine envers un Etat démocratique et reconnu ».  Selon un mode de dénonciation que nous avions oublié, voilà un ordre donné à un fonctionnaire qui ne peut que dire « amen » sans être suicidaire.

Si, un préfet un peu sourd ou simplement amateur de droit, avait mis la missive de NKM au panier, la piqûre de rappel est automatique. Cette fois c’est Francis Kalifat, président qui s’autoproclame « représentatif » des juifs de France, qui s’y colle. Autre courrier timbré au préfet, au sujet de ces malheureux (mais courageux) rassemblements, tenus pour une Palestine à décoloniser:

« Outre le côté illicite du boycott et le caractère antisioniste visant à contester l’existence même de l’Etat d’Israël, ces manifestations sont clairement antisémites et visent à stigmatiser les Français juifs. Je compte sur votre intervention rapide, énergique et définitive pour que cesse dans les rues de Paris cette parole antisémite. » C’est écrit : protester contre le phosphore quand il tombe sur Gaza, c’est  être antisémite.

Parfois c’est l’étranger qui se mobilise contre les amis français de la liberté. Ainsi, convaincue d’être un ministre de la France, Aliza Bin-Nun, ambassadrice d’Israël à Paris, début mars, écrit à neuf maires tricolores, afin de les sommer d’interdire toute manifestation ayant pour cadre « La semaine contre l’apartheid israélien ». Menaces efficaces puisque des édiles sans courage, des responsables d’université pleutres, ont refusé aux militants le droit de se réunir.

Face à cette solitude, celle du marcheur qui touche le fond, le soutien du « monde Arabe » serait un renfort utile. Ne rêvons plus, il est advenu. Un rapport publié, sous le sigle de l’ONU, présenté par la Commission Economique et Sociale pour l’Asie, écrit  « Israël est coupable de politique et de pratiques constitutives du crime d’apartheid »…. et qu’il faut que l’ONU « soutienne la campagne BDS, la campagne de boycott d’Israël »  Un « crime antisémite », à mettre au compte de musulmans puisque 18 pays arabes figurent dans le groupe qui a émis le rapport. Aussi sec Antonio Gutteres, le nouveau pantin nommé à  la tête des Nations Unies, s’insurge contre l’offense. Rima Khalaf, l’économiste jordanienne qui préside la Commission, est priée  de retirer l’insupportable rapport. Courageuse la dame refuse. Gardant intact son honneur elle quitte l’ONU : « Je démissionne parce qu’il est de mon devoir de ne pas dissimuler un crime, je soutiens toutes les conclusions du rapport. »

Grand malaise à New York, au siège du « gouvernement mondial ». Pour le compte de la Commission le rapport a été rédigé par les professeurs américains Richard Falk et Virginia Tilley, deux grands experts du droit international qu’il est difficile de contester. Dès le rapport publié, les autorités israéliennes réutilisent une fois encore l’arme de l’injure antisémite. Dans le meilleur des cas le rapport siglé ONU est, selon les amis de l’extrême droite israélienne, « digne du Der Stürmer », un journal nazi du III e Reich. Si ce constat agace tant l’état hébreu et ses amis c’est qu’il remonte en surface l’image d’un d’apartheid. Une comparaison et un jugement déjà formulés par Jimmy Carter et évoqué par Kerry lui-même.

En France, où comparaison ne vaut pas raison, la classe politique -hors Mélenchon, le PCF, les trotskistes et les anars-  on ne peut même pas cligner des yeux sur cette image : Israël est l’état du juste et du bien. Pour aider le clan de la pensée juste, je propose, sur le modèle de la loi Gayssot, de punir tout écrit, tout acte, toute photo, tout film, toute musique, toute sculpture, toute peinture, tout geste, tout souffle qui s’en viendrait soutenir ces salopards de Palestiniens. Si, pour conclure et montrer le chemin parcouru à reculons, j’évoque Sabra et Chatila et rappelle aux amnésiques qu’en décembre 1982 l’Assemblée de l’ONU a qualifié ce massacre « d’acte de génocide », je risque fort, si des NKM s’en mêlent, de me retrouver devant un tribunal correctionnel pour propos « antisémites ». Alors ? Ressuscitons Maxime Rodinson et Hannah Arendt !


Par Jacques-Marie Bourget

P.S. Bien qu’ils soient les promoteurs de la colonisation de la Palestine, les anglais se montrent plus sourcilleux que la France sur ce droit à manifester. Les militants britanniques, ceux qui soutiennent le BDS, ont été autorisés par la justice à poursuivre le gouvernement quand il s’oppose au droit de prôner le boycott.


Jacques-Marie Bourget  a travaillé pour les plus grands journaux français dont 22 années à Paris-Match. Grand reporter spécialiste du Moyen-Orient a également obtenu le Prix Scoop 1986 pour avoir révélé l’affaire Greenpeace. Auteur de plusieurs livres dont Des affaires très spéciales (Plon) et Sabra Chatila au cœur du massacre (Erick Bonnier)

Cette chronique est publiée dans le numéro d’Avril du mensuel « Afrique Asie ».