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dimanche 15 février 2015

Tous propriétaires ! l'envers du décor pavillonnaire


Faut-il faire de la France un pays de propriétaires et liquider le parc HLM de l'après-guerre ? C'est en tout cas le tournant pris par les politiques publiques depuis les années 1970. Être propriétaire de son pavillon, profiter des attraits de la ville à la campagne, réinventer la sociabilité de voisinage et la mixité sociale, tel est le projet qu'ont vocation à incarner les nouveaux lotissements et que favorisent les aides à l'accès à la propriété.
Mobilisant données statistiques, enquêtes de terrain et témoignages vécus, ce livre montre qu'en nourrissant un vaste mouvement de périurbanisation des classes populaires, la diffusion de la propriété transforme en profondeur leurs conditions d'existence : déstabilisation de l'économie domestique par le poids de l'endettement, éloignement des bassins d'emploi et des réseaux de solidarité, repli des femmes sur la sphère domestique, « mixité » sociale conflictuelle. Entre la maison individuelle rêvée et le logement standardisé souvent exigu et inachevé que ces « primo-acquérants » ont pu se payer, entre le quartier pavillonnaire imaginé sur papier glacé et le lotissement sous-doté en équipements collectifs et coupé du monde auquel ses habitants se trouvent assignés, ce nouveau monde de « HLM à plat » est gros de tensions dont Anne Lambert souligne l'importance politique pour les années à venir.


Anne Lambert
Editeur : Seuil
Collection : Liber
Date de parution : 12/02/2015
21.5 x 13 cm, 288 pages


Anne Lambert - Sociologue


Une analyse de Thomas Le Guennic

Maison particulière de taille modeste, le pavillon est un habitat à forte charge idéologique 1 . Parce qu’il encouragerait l’individualisme petit bourgeois et l’accumulation capitalistique, les marxistes, comme Engels ou Lefebvre, le condamnent sans détour 2 . A contrario, les réformateurs sociaux, tel un Le Play, louent les vertus de la maison individuelle : elle encouragerait l’épargne, la conservation des valeurs familiales et la moralisation des classes populaires.

Dans la France d’après-guerre, le pavillon est opposé aux grands ensembles qui, parés des vertus du « vivre ensemble », conquièrent la préférence de l’État aménageur. Les années 197 0 marquent « le tournant libéral de la politique du logement » (p. 19) : les politiques publiques se détournent de l’habitat social au profit de l’habitat individuel, en favorisant l’accession à la propriété des classes moyennes. S’amorce ainsi le premier processus de périurbanisation. Cependant, à partir des années 1980 et de la montée du chômage, les « petits moyens » 3 remplacent progressivement les classes moyennes supérieures qui (ré)investissent les centres urbains, participant ainsi à la gentrification. Le pavillon perd de sa superbe, au point de devenir, à partir des élections présidentielles de 2002, le symbole d’une « France moche » 4 , caractérisée par le mitage urbain, les non-lieux de la « ville franchisée » 5 et le vote Front national (FN) des « petits-blancs » déclassés, supposément hostiles à la diversité et à la densité des espaces urbains centraux 6 .

Après avoir consacré plusieurs articles aux pavillonnaires, au périurbain et à la sociologie de la propriété, Anne Lambert propose ici une analyse au long cours de la genèse et des enjeux de la périurbanisation des classes populaires. Pourquoi et comment devient-on propriétaire d’un pavillon ? Quelles sont les conséquences de l’accession à la propriété sur le quotidien des ménages populaires, sur leurs pratiques et représentations ? La méthode utilisée articule les statistiques de l’enquête logement de l’Insee et l’exploitation d’une monographie du lotissement des « Blessays », quartier d’une commune industrielle périurbanisée du nord de l’Isère. L’interprétation des données mobilise une ethnographie économique des pratiques quotidiennes, proche des travaux de Florence Weber, et une analyse de la structuration du marché du pavillon, qui s’inscrit dans le sillage des travaux de sociologie économique de Pierre Bourdieu, publiés il y a quinze ans dans la même collection 7 .

L’ouvrage débute par à un historique de la politique du logement en France. Les politiques publiques en faveur de la propriété du logement individuel, amorcées à partir des années 1970 et adossées au développement du marché du crédit immobilier, concourent à une « spécialisation sociale des territoires », dans laquelle les zones périurbaines concentrent les franges stables des classes populaires et les fractions inférieures des classes moyennes. Pour autant, ces espaces présentent une certaine mixité ethnoraciale. Anne Lambert montre ainsi qu’en matière de propriété du logement, les ménages immigrés réduisent leur écart par rapport à la population majoritaire. Cela se reflète dans la population d’enquête, composée pour moitié d’ouvriers, et pour quatre dixièmes d’immigrés (Maghreb, Portugal, Turquie, Afrique, Asie). Un des mérites de ce livre est ainsi de battre en brèche l’image du périurbain comme repaire de « petits-blancs » aux confins de la « France périphérique ».

Pour tous les habitants interrogés, immigrés ou non, le pavillon est une opportunité de promotion sociale, « le lieu de fixation de tous les investissements » 8 . Toutefois, ici aussi, la proximité spatiale n’abolit pas la distance sociale 9 : « la morphologie sociale de ces nouveaux lotissements apparaît également proche de celle des grands ensembles de première génération » (p. 267 ). Ainsi, l’habitat périurbain présenterait les caractéristiques d’un « HLM à plat » (p. 267 ). À travers cette expression, Anne Lambert montre qu’au-delà d’une valorisation commune du pavillon, les habitants du lotissement poursuivent des trajectoires sociales différentes et portent des pratiques et des représentations différenciées, voire opposées. Elle distingue trois groupes qui cohabitent dans le lotissement. Le premier, « les vieux ouvriers du coin », est composé d’ouvriers stables originaires de la commune. Ce sont d’anciens locataires de l’habitat social pour lesquels l’accession à la propriété représente l’aboutissement d’un parcours résidentiel et la consécration de leur ancrage local. Le deuxième groupe, « les familles de cités », rassemble des salariés peu qualifiés du tertiaire. Disposant de revenus modestes, ils fuient les HLM par peur d’une augmentation continue des loyers. L’acquisition d’un pavillon se fait au nom de la réussite des enfants, par désir de mixité et d’ascension sociale. Au contraire, pour le dernier groupe, constitué de « jeunes couples de professions intermédiaires », le pavillon est une première étape, un tremplin, dans leur projet résidentiel concomitant à leur stratégie de promotion sociale.

Les deux chapitres suivants traitent des « coûts » différenciés de la périurbanisation. Mobilisant des compétences professionnelles propices à la négociation, un solide capital social, des dispositions héritées à l’endettement et un « capital technique familialisé », le groupe des catégories intermédiaires se finance aisément auprès des banques, parvient à éviter les écueils liés à la construction sur catalogue, internalise le coût de certains travaux et, finalement, supporte relativement bien l’épreuve de l’endettement en raison de la bi-activité du ménage. Ce qui n’est pas le cas des deux autres groupes. En effet, leur endettement est en moyenne plus long et repose massivement sur les emprunts aidés par l’État. Ce durcissement de la contrainte budgétaire déstabilise profondément l’équilibre de leur économie domestique et appelle des tactiques de rééquilibrage qui conduisent notamment à un renforcement de la division sexuelle du travail. Ce phénomène touche particulièrement les « femmes des cités ». L’accession à la propriété éloigne la plupart d’entre elles de leur lieu de travail et renchérit le coût d’opportunité de l’emploi féminin. Nombre de ces femmes entrent alors dans une trajectoire les conduisant progressivement hors du marché du travail. Elles se spécialisent dans le travail domestique et la garde des enfants, notamment au sein du quartier et parfois sous une forme non déclarée. L’accès au pavillon se fait également au prix de leur intégration. D’un côté, il est coûteux pour elles d’accéder à leurs anciens cercles de sociabilité, parce que trop éloignés, et, d’un autre côté, il leur est difficile de nouer de nouvelles relations de confiance dans le lotissement, en raison de la suspicion morale qui frappe ces femmes au foyer. En effet, leur prestige social souffre de la comparaison avec les femmes de classes intermédiaires qui érigent l’activité professionnelle comme norme.

L’étude des relations interpersonnelles montre à quel point les ménages de classe moyenne se comportent comme des « entrepreneurs de morale » 10 engagés dans une entreprise de contrôle social du quartier. De nombreux conflits les opposent aux ménages populaires. Ces derniers se voient notamment reprocher leurs origines socio-ethniques, supposément sources de nuisances, de désordres et de corruption morale des enfants. Pour les familles de catégories intermédiaires, la présence d’immigrés serait source de dévaluation du lotissement et, in fine, de leur bien immobilier. Plutôt que de générer de la solidarité, Anne Lambert explique que ces conflits produisent un mouvement de repli sur la sphère domestique et de mise à distance de l’ethnicité chez les ménages stigmatisés. Ces conflits et « microségrégations » s’objectivent dans le bâti : « aux Blessays, l’ordre spatial reflète la hiérarchie socio-raciale qui s’établit entre habitants » (p. 202). En effet, le lotissement est divisé en deux parcelles qui correspondent aux phases successives d’acquisition. L’une, au bâti homogène et contrôlé, concentre les familles des catégories intermédiaires. L’autre, au bâti modeste et hétéroclite, abrite les ménages populaires. Cette division spatiale est fréquemment mobilisée par les habitants afin de nourrir leur identification et la justification des conflits. La dichotomie spatiale du lotissement est redoublée par une décision de la municipalité en matière d’affectation scolaire. En effet, les enfants de la première tranche d’acquisition, ceux des catégories intermédiaires, sont affectés à l’école de centre-ville, quand les enfants de la seconde tranche, ceux des ménages populaires, sont scolarisés dans une école éloignée du bourg, anciennement classée en ZEP Agnes Cavet2015-03-31T04:50:00. Cette différenciation du destin scolaire nourrit particulièrement le ressentiment des « familles des cités » pour lesquelles l’accès au pavillon se fait au nom de la réussite sociale de leurs enfants.

Le dernier chapitre analyse les représentations et pratiques politiques de ces habitants. Globalement, les pavillonnaires votent plus que la moyenne nationale, ce qui achève de les différencier des quartiers d’habitat social plutôt caractérisés par l’abstention. Ensuite, à rebours de la thèse de la droitisation du périurbain, Anne Lambert montre que la diversité des comportements politiques de ces familles recoupe la hiérarchie sociale et ethno-raciale du lotissement. Les plus jeunes ménages de catégories intermédiaires votent plutôt à droite et semblent caractérisés par un rapport à la politique de type « pragmatique », où leurs intérêts de nouveaux propriétaires priment l’affiliation partisane et idéologique. Ils témoignent d’un vif activisme, qui se traduit notamment par leur investissement dans les associations locales. En revanche, les ménages populaires, nourrissant un vif sentiment d’illégitimité, laissent aux ménages de classes moyennes le soin de défendre les intérêts du lotissement. Néanmoins, leur vote témoigne d’un fort ancrage à gauche. Selon l’auteure, l’origine ethno-raciale des individus explique en partie cette dichotomie du vote. La peur de déclassement liée à la présence d’immigrés au sein du lotissement conduirait les jeunes ménages de classes moyennes à voter pour l’Union pour un mouvement populaire (UMP) ou le FN, tandis que les familles populaires associent les partis de gauche au soutien de la mixité sociale et ethno-raciale.

Forcément partielle, cette recension ne rend pas justice aux analyses consacrées à l’économie familiale, à l’incidence de l’« habitat poly-topique » 11 sur l’économie familiale, à l’anthropologie du projet immobilier ou encore au rôle que jouent les enfants dans les conflits de voisinage. Il faut dire que cette enquête, servie par une écriture synthétique et articulant une vaste littérature, s’attache à restituer la complexité de la « condition pavillonnaire » 12 et les coûts sociaux différenciés de la politique du « Tous propriétaires ! », qui pèsent particulièrement sur les ménages les plus modestes. À ce titre, le livre d’Anne Lambert apporte une contribution salutaire à la connaissance du périurbain, qu’elle informe précieusement à partir de la sociologie économique. Plus, cette analyse s’inscrit dans une dynamique sociologie des « espaces sociaux localisés » 13 qui témoigne de l’actualité et de la pertinence de l’articulation entre stratifications sociales et territoires vécus.


Notes

1 Susanna Magri, « Le pavillon stigmatisé », L'Année sociologique, vol. 58, n° 1, 2008.
2 Henri Lefebvre, « Préface », in Henri Raymond et al., L’Habitat pavillonnaire, Paris, L’Harmattan, 2001, p. 7-23.
3 Marie Cartier et al., La France des « petits-moyens ». Enquête sur la banlieue pavillonnaire, Paris, La Découverte, 2008.
4 Éric Chauvier, Contre Télérama, Paris, Allia, 2011.
5 David Mangin, La ville franchisée. Formes et structures de la ville contemporaine, Paris, Éditions de la Villette, 2004.
6 Esprit, « Tous périurbains ! », n° 393, mars-avril 2013.
7 Pierre Bourdieu, Les structures sociales de l’économie, Paris, Seuil, 2000.
8 Pierre Bourdieu, « Un signe des temps », Actes de la recherche en sciences sociales, n° 81-82, 1990.
9 Jean-Claude Chamboredon et Madeleine Lemaire, « Proximité spatiale et distance sociale. Les grands ensembles et leur peuplement », Revue française de sociologie, vol. 11, n° 1, 1970.
10 Howard S. Becker, Outsiders. Études de sociologie de la déviance, Paris, Métailié, [1963] 1985.
11 Mathis Stock, « L’hypothèse de l’habiter poly-topique : pratiquer les lieux géographiques dans les sociétés à individus mobiles », Espacestemps.net, 26 février 2006. En ligne : http://www.espacestemps.net/en/articles/lrsquohypothese-de-lrsquohabiter-poly-topique-pratiquer-les-lieux-geographiques-dans-les-societes-a-individus-mobiles-en/.
12 Sophie Divry, La condition pavillonnaire, Paris, Les éditions Noir sur Blanc, 2014.
13 Gilles Laferté, « Des études rurales à l'analyse des espaces sociaux localisés », Sociologie, n° 4-5, 2014.


Référence électronique
Thomas Le Guennic, « Anne Lambert, « Tous propriétaires ! ». L’envers du décor pavillonnaire »,
Lectures [En ligne], Les comptes rendus, 2015, mis en ligne le 31 mars 2015. URL : http://lectures.revues.org/17528

Rédacteur
Thomas Le Guennic Professeur agrégé de sciences économiques et sociales, IUT de Périgueux-Université
de Bordeaux.

samedi 14 février 2015

Le «jeune-de-banlieue» mange-t-il les enfants ?

Par Thomas GUÉNOLÉ, politologue et enseignant à HEC


Face à une réalité composite, en plus d’être raciste et islamophobe, le stéréotype du «jeune-de-banlieue» est surtout parfaitement idiot.


Le «jeune-de-banlieue», c’est l’ogre des temps modernes. Arabe mal rasé de 15-35 ans vêtu d’un survêtement à capuche, il se promène avec un cocktail Molotov dans une main et une kalachnikov dans l’autre. Il fume du shit dans les cages d’ascenseur, il brûle des voitures ; il gagne sa vie grâce à des trafics de toutes sortes et en fraudant les allocations sociales. Sa sexualité consiste à violer les filles en bande dans des caves ; sa spiritualité, à écouter les prêches djihadistes de l’«islam-des-banlieues», dans des caves également. Il hait la France, l’ordre, le drapeau, et bien sûr, il déteste les Français (comprendre : «les Blancs»). Il aime le jihad et l’islamisme. Son rêve : partir en Syrie se battre aux côtés d’Al Qaïda, pour ensuite revenir en France commettre des attentats. Il ne serait donc pas étonnant que bientôt les parents disent à leurs enfants : «si tu n’es pas sage, le jeune-de-banlieue viendra te chercher».  

Cette description correspond autant aux vrais jeunes des banlieues que le célèbre beauf à béret, avec baguette sous le bras, accordéon et litron de rouge, est représentatif du Français moyen. Problème : depuis les attentats de janvier, ce stéréotype s’est encore renforcé. Pourtant, le terrorisme des frères Kouachi n’est pas plus représentatif de la jeunesse de banlieue que l’héroïsme de Lassana Bathily ou la réussite de l’humoriste Jamel Debbouze.
 
Loin du monochrome absurde du monstrueux «jeune-de-banlieue», la réalité tient plutôt du tableau impressionniste. Ce qu’on appelle «la banlieue», ce sont les banlieues urbaines pauvres. Pendant les Trente Glorieuses, l’immigration pauvre venue du Maghreb et d’Afrique subsaharienne a été parquée dans ces territoires, où vivaient déjà des pauvres descendant de l’exode rural et des vagues précédentes d’immigration de travail : notamment d’Europe du sud et de l’est. La population jeune de ces ghettos urbains a donc des origines, des cultures, des couleurs de peau, aussi diverses que les origines, les cultures et les couleurs de peau de la pauvreté urbaine française.
 
Quant à ce que les vrais jeunes de banlieue font de leur vie, la réalité est moins spectaculaire que le fantasme. L’ascenseur social étant en panne, seule une minorité d’entre eux, quantitativement marginale, arrive à s’en sortir : elle change de classe sociale et souvent, elle déménage de la banlieue pauvre. Le cocktail de cette réussite mélange la détermination, le talent, beaucoup de travail, et parfois la chance d’un «piston». Symétriquement, seule une minorité, encore plus marginale, vit de trafics divers et de contrebande ; une minorité plus marginale encore bascule, elle, dans l’adhésion au totalitarisme wahhabite ou salafiste. Mais pour l’écrasante majorité, pour le gros des troupes, la réalité, c’est une galère de jeune pauvre urbain qui vivote et ne sortira pas du ghetto : 6 sur 10 avec un job mal payé et précaire ; 4 sur 10 au chômage.
 
Face à cette réalité composite, en plus d’être raciste et islamophobe, le stéréotype du «jeune-de-banlieue» est surtout parfaitement idiot. C’est du même niveau intellectuel que «les blondes sont bêtes» ou «les Chinois sont fourbes». Il est donc temps de formuler une requête très simple et très précise aux personnalités politiques, aux «intellectuels» et aux éditorialistes qui propagent ce stéréotype stupide : pourriez-vous arrêter de raconter n’importe quoi sur les jeunes de banlieue ?

lundi 9 février 2015

Plus de 350 villes toujours rétives aux logements sociaux

Plus d’un tiers des municipalités assujetties à la loi Solidarité et renouvellement urbain (SRU) ne remplissent toujours pas leurs obligations de construction de logements sociaux.





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dimanche 8 février 2015

Afrique du Sud : Décès d’André Brink, écrivain engagé contre l’apartheid


L’écrivain sud-africain, Andre Brink, engagé contre l’apartheid et auteur notamment de Une saison blanche et sèche, est décédé dans la nuit de vendredi à hier, à l’âge de 79 ans, ont rapporté des médias sud-africains.
L’agence radio Eye Witness News a notamment obtenu la confirmation de son décès auprès de son ex-épouse, Alta Brink. Ancien professeur d’anglais à l’université du Cap, il est décédé à bord d’un avion qui le ramenait d’Europe, après avoir été fait docteur honoris causa de l’université catholique de Louvain, en Belgique. Plusieurs fois proposé pour le Nobel de littérature mais jamais primé, il avait reçu plusieurs prix prestigieux dans son pays et à l’étranger, dont le prix Medicis étranger en 1980 pour Une saison blanche et sèche. Ses liens avec la France remontaient à ses études à la Sorbonne entre 1959 et 1961, où il avait obtenu un diplôme de littérature comparée.
Il avait également reçu la Légion d’honneur en 1983. Né en mai 1935 d’un père magistrat et d’une mère professeur dans un collège anglophone, il écrivait aussi bien en anglais qu’en afrikaans, la langue dominante de la minorité blanche sud-africaine. Il était membre de Die Sestigers, un mouvement littéraire qui s’était élevé contre la politique ségrégationniste d’apartheid à partir des années 1960.
En 1973, il fut le premier écrivain afrikaneer frappé par la censure en Afrique du Sud pour son roman Au plus noir de la nuit qualifié de roman «pornographique». Dès ses premières œuvres, au titre parfois provoquant comme Orgie, il encourt la réprobation des milieux conservateurs sud-africains.
Son œuvre la plus connue est certainement Une saison blanche et sèche, immédiatement interdite en Afrique du Sud et publiée à Londres en 1979. Ce roman raconte l’histoire d’un Sud-Africain blanc qui se lance dans une enquête pour connaître le sort réel de deux amis noirs, un père et un fils, morts pour avoir contesté le régime d’apartheid.
En 2009, Brink avait publié un livre de mémoires intitulé A Fork in the Road (traduit par Mes bifurcations), dans lequel il tirait un bilan assez   sombre des 15 premières années post-apartheid, notant que la liberté chèrement acquise n’avait pas exorcisé tous les démons de son pays. Un instant dans le vent, Rumeurs de pluie, Un turbulent silence, Le mur de la peste et, plus récemment, Etats d’urgence, figurent parmi ses  titres les plus connus.
AFP