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mercredi 31 juillet 2013

SOS Racisme dépose plainte contre Le Pen et Estrosi pour leurs propos sur les Roms et gens du voyage

Par AFP


SOS Racisme a annoncé avoir porté plainte mardi auprès du procureur de la République de Nice contre Jean-Marie Le Pen et Christian Estrosi pour incitation à la haine raciale notamment, après leurs propos visant la communauté des Roms et gens du voyage.
La plainte pour "provocation à la haine et à la discrimination ethniques, non suivie d'effet", "discrimination par refus d'appliquer une loi" et "violences, sans incapacité, pour raisons ethniques" a été déposée par Amadou Diallo, président de l'antenne niçoise de SOS racisme, dans la matinée. 


Délinquants à mater; présence urticante et odorante


Interrogé sur l'occupation illégale de terrains par des gens du voyage dans sa ville, le député-maire UMP de Nice, Christian Estrosi, avait promis début juillet de "mater" les tziganes, en qualifiant de "délinquants" ceux qui installent leurs caravanes sans autorisation.
Dénonçant des agissements coûteux pour "les contribuables français", il avait promis à tous les maires un "mode d'emploi" pour les combattre.
De son côté, le président d'honneur du FN Jean-Marie Le Pen, venu présenter le 4 juillet à Nice la candidate nouvellement investie par le FN pour les municipales 2014, avait qualifié la présence de Roms dans la ville d'"urticante" et "odorante" et prédit que "50.000 Roms" allaient venir s'y installer en 2014.


Expulsion par Gabi Jimenez


Banalisation du discours raciste


"Au-delà des dispositions de la loi qui répriment les propos discriminatoires de M. Estrosi, nous dénonçons la banalisation du discours raciste et xénophobe", a déclaré à l'AFP M. Diallo. "Les hommes politiques doivent s'astreindre à une certaine éthique de comportement dans l'espace public en évitant d'attiser la haine ou l'appel à la haine, comme c'est le cas s'agissant des propos de M. Estrosi". 
"L'amalgame qui est fait par rapport à ces différentes communautés dénote la surenchère savamment entretenue par MM. Le Pen et Estrosi dans l'optique des prochaines échéances électorales municipales en 2014", selon M. Diallo.


Plainte de l'association France Liberté Voyage


L'association de défense des gens du voyage France Liberté Voyage a déjà déposé plainte pour diffamation publique et incitation à la discrimination et à la haine raciale.
A la suite de cette annonce, M. Estrosi a fait part de son intention de poursuivre SOS Racisme "pour diffamation et dénonciation calomnieuse", jugeant cette plainte "insupportable et hors de propos". "Il n'y avait aucun amalgame ni aucune stigmatisation dans mes propos: simplement la volonté de voir la loi s'appliquer!", assure-t-il dans une réaction transmise à l'AFP. 
"Les gens du voyage qui s'introduisent sans droit ni titre et par effraction sur un bien public sont des délinquants au même titre que n'importe quel citoyen agissant de même sur tout le territoire national", ajoute le maire de Nice.

dimanche 28 juillet 2013

Une « action de groupe » contre la discrimination

Deux propositions de loi, l’une écologiste déposée au Sénat, l’autre socialiste préparée à l’Assemblée nationale, visent à instaurer le principe d’actions de groupe en matière de discrimination.
La première, déposée ce jeudi sur le bureau du Sénat par la sénatrice EELV Esther Benbassa, veut établir la possibilité de «class action», c’est-à-dire d’un recours collectif en justice par un grand nombre de personnes estimant toutes avoir subi le même préjudice de discrimination.

Parallèlement, et sans concertation préalable, le député PS Razzy Hammadi a indiqué jeudi vouloir déposer en septembre une proposition de loi à l’objectif analogue pour «un examen dans l’hémicycle avant la fin de l’année».
Cet élu de Seine-Saint-Denis fait valoir que les discriminations «ne sont pas toujours visibles et grossières» et qu'«il est souvent difficile et trop coûteux pour leurs victimes de poursuivre individuellement en justice leurs auteurs».
«En cohérence avec l’action de groupe» adoptée récemment par l’Assemblée nationale dans le cadre du projet de loi sur la consommation dont il a été le rapporteur, M. Hammadi propose qu’il revienne «à une association, un syndicat représentatif ou encore au Défenseur des droits de porter l’action devant le juge».
«Comme en matière de consommation, l’introduction d’une action de groupe est aussi une arme de dissuasion massive qui veut responsabiliser et inciter les structures à instaurer davantage d’équité en leur sein», observe-t-il.


mardi 23 juillet 2013

Noël Mamère : "Trappes, les musulmans et le racisme d’Etat"


L’analyse de Noël Mamère (que je vous livre ci-dessous et à retrouver sur son blog) sur les derniers événements de la ville de Trappes mérite qu'on s'y arrête. En effet avec des arguments simples et objectifs il va à l'encontre des analyses simplistes rabâchées en continue dans les médias mais surtout questionne la démagogie de bon nombre de nos politiques, démagogie digne d'une veille d'échéance électorale. 
Noël Mamère
Trappes, la ville de Jamel Debbouze et d’Omar Sy, ne rigole plus avec ses humoristes. Des centaines d’habitants ont attaqué le commissariat, à coups de pierres, symbole pour ces jeunes Français issus de la colonisation de l’atteinte à leur dignité.
Le motif de cette poussée de violence ? L’exigence de libérer un homme qui avait osé protester contre l’interpellation de sa femme par des policiers; elle portait le voile intégral, les policiers voulaient contrôler son identité.

Ces faits posent d’emblée trois questions :
  • Où est passée la police de proximité promise par la gauche qui devait remplacer les BAC et autres compagnies de CRS dans les quartiers dits sensibles ?
  • Pourquoi interpeller en plein ramadan une jeune femme voilée, sachant que durant cette période, un tel geste peut être interprété comme une provocation à l’égard des populations musulmanes ?
  • Enfin, la loi sur le voile intégral est-elle pertinente ?
Des lois productrices de discriminations
J’ai fait partie des rares députés qui ont toujours considéré les différentes lois sur le voile comme productrices de discriminations et de violences potentielles. Nous y sommes.
Si l’on ajoute à cela le refus de Manuel Valls d’appliquer la promesse de François Hollande d’en finir avec le contrôle au faciès, une telle conjonction ne pouvait que produire le type d’émeute à laquelle nous venons d’assister.
Les déclarations martiales du ministre de l’Intérieur, les vociférations de Christian Estrosi, Hortefeux et Le Pen n’y changeront rien.
La révolte de Trappes nous oblige aussi à réfléchir sur la vague d’islamophobie qui s’est emparée de notre pays. Le ministre de l’Intérieur, cette dernière semaine, dénonçait la multiplication des faits anti-musulmans dans plusieurs villes de la périphérie parisienne, à Chanteloup-les-Vignes et à Argenteuil.
A Marseille, la question du voile revient au centre de l’actualité et avec elle, celle de la place des musulmans dans la société.

Le boomerang du racisme d’Etat
Au nom de l’universalisme, on a trop longtemps eu tendance à nier le rôle de la religion dans la société française. L’Etat a fait de l’Islam – deuxième religion de France – un culte discriminé sans que le législateur tente de résoudre les problèmes vécus au quotidien par les fidèles (comme les carrés musulmans au sein des cimetières, la régulation du marché de la viande hallal ou la construction des mosquées).
Sous prétexte de combattre les signes religieux ostentatoires, on a privilégié la seule lutte contre le voile et inventé de nouvelles discriminations pour des femmes qui se voient doublement mises à l’index : en tant qu’arabe et musulmane, ne pouvant plus travailler dans certains établissements, et stigmatisées dans tous leurs actes quotidiens.
De fait, un racisme d’Etat, utilisant l’amalgame entre musulmans, islamistes, terroristes et immigrés, s’est lentement insinué dans la société française, préparant le terrain à des conflits de civilisations à l’échelle des territoires.
Le moment est venu pour la France de prendre cette question à bras-le-corps. Si on ne lui donne pas de réponse autre que répressive, elle va nous revenir au visage comme un boomerang.

Trente ans après la marche pour l’égalité
Le problème que nous rencontrons se joue dans le cadre franco-français, dans un pays qui a érigé la laïcité en dogme. Mais – et c’est là toute la difficulté – il est marqué par un contexte international où l’islam politique a pris le pouvoir dans plusieurs sociétés musulmanes, à la faveur des printemps arabes.
Dans ces sociétés, comme la Tunisie ou l’Egypte, les classes moyennes refusent à juste titre ce qu’elles considèrent comme un dévoiement théocratique de leur révolution. Elles ont raison et nous les soutenons.
Mais cette solidarité ne doit pas nous faire oublier qu’en France, ce sont des populations discriminées qui se revendiquent de l’Islam. Il faut donc refuser tout amalgame entre les deux situations et tracer les chemins d’un dialogue pour parvenir à apaiser les tensions.
Malheureusement, en temps de crise morale, économique et sociale, il est tellement plus facile pour de nombreux responsables politiques d’utiliser les musulmans comme des boucs émissaires, que de trouver les mots d’apaisement et de prendre le temps de comprendre pourquoi on en est arrivés là.
Mais Trappes, trente ans après la marche pour l’égalité et contre le racisme, nous oblige aussi à reconsidérer la politique de la ville menée par les gouvernements de droite et de gauche. Depuis novembre 2005 et les révoltes urbaines généralisées, rien n’a été fait pour répondre aux préoccupations des habitants des quartiers populaires.

L’américanisation des banlieues françaises
L’Etat a démontré son incapacité à apporter des réponses à la lutte contre le chômage des jeunes, aux questions d’éducation et de formation, à l’enclavement des quartiers et à la relégation des habitants.
Cette inertie a favorisé la fuite d’une partie de ses habitants a créé, malgré le discours ambiant sur la mixité sociale, des ghettos où sont concentrées des populations en fonction de leur appartenance ethnique et religieuse.
Or, de nouveaux conflits urbains dessinent le portrait d’une France séparée. Cette américanisation des banlieues françaises est en contradiction absolue avec le rappel intangible des principes républicains, rabâchés par ceux qui croient encore vivre sous la Troisième République.
La vulgate anticommunautariste n’est qu’un prêt-à-penser inutile pour comprendre notre société multiculturelle. Il faudra un jour dépasser cette contradiction :
  • ou accepter une certaine logique communautaire, en s’appuyant sur les forces vives de « l’empowerment », c’est à dire la capacité des populations à faire surgir en leur sein de nouvelles élites urbaines, comme aux Etats-Unis ou en Afrique du Sud ;
  • ou appliquer l’égalité réelle des droits, ce qui suppose un investissement sans commune mesure avec nos capacités actuelles. Mener les deux de front, c’est possible et cela porte un nom : la société du bien vivre ensemble.


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Retour sur une émeute par Les mots sont importants par Sylvie Tissot (LMSI)

jeudi 18 juillet 2013

Le journaliste Henri Alleg est décédé

C'est avec grande tristesse que nous apprenons le décès d'Henri Alleg journaliste, militant communiste et anticolonialiste qui fut l'un des premiers à dénoncer l'usage de la torture pendant la guerre d'Algérie.


Par AFP

Le journaliste et militant communiste Henri Alleg, auteur de l’ouvrage La Question (1958) qui dénonçait la torture pendant la guerre d’Algérie, est décédé mercredi à Paris à l’âge de 91 ans, a-t-on appris auprès du quotidien L’Humanité dont il fut secrétaire général. Publié à l’époque aux éditions de Minuit, ce livre-témoignage avait été saisi au lendemain de sa parution.


Henri Alleg

Né en juillet 1921 à Londres, de parents juifs polonais ayant fui les pogroms, Henri Salem, dit Alleg, arrive en avril 1940 à Alger et adhère un an plus tard au parti communiste algérien (PCA), dont il est membre du comité central jusqu’à sa dissolution en 1955. Il dirige le quotidien Alger Républicain, organe du PCA, de février 1951 à juillet 1955, date de son interdiction.
Arrêté en 1957 en pleine bataille d’Alger et torturé puis condamné en 1960 à dix ans de travaux forcés en France, il s’évade de prison un an plus tard et regagne la capitale algérienne. Il refonde alors Alger Républicain jusqu’à son sabordage après la chute du président Ben Bella. Henri Alleg, adhérent au PCF auquel il restera fidèle jusqu’à la fin de sa vie, a été journaliste à L’Humanité de 1966 à 1980.

La baie d'Alger (1960)


La Question : le livre-témoignage


Henri Alleg est arrêté le 12 juin 1957, soit le lendemain de l'arrestation de Maurice Audin, par les hommes de la 10e division parachutiste. Il est séquestré un mois à El-Biar où il est torturé et subit de multiples interrogatoires, dont un mené après une injection de penthotal. Il est ensuite transféré au camp de Lodi où il reste un mois puis à Barberousse, la prison civile d'Alger. C'est là qu'il écrira La Question, dissimulant les pages écrites et les transmettant à ses avocats.

Dans La Question, il raconte sa période de détention et les sévices qu'il y a subis, en pleine guerre d'Algérie. Tout d'abord publié en France aux éditions de Minuit, l'ouvrage est immédiatement censuré. Les exemplaires mis en vente sont saisis le 27 mars malgré les interventions de André Malraux, Roger Martin du Gard, François Mauriac et Jean-Paul Sartre auprès du président René Coty. Nils Andersson le réédite en Suisse, quatorze jours après l'interdiction frappant en France. Malgré son interdiction en France, ce livre a considérablement contribué à révéler le phénomène de la torture en Algérie en confortant les témoignages qui s'étaient multipliés dans la presse au cours de l'année 1957. Sa censure n'a pas empêché sa diffusion clandestine à 150 000 exemplaires.


Le livre s'ouvre avec la formule : 
« En attaquant les Français corrompus, c’est la France que je défends. » 
Il y accuse nommément Philippe Erulin d'être le principal auteur de sa torture, ainsi que ses complices subalternes. Roger Faulques est également présent à un moment de ses interrogatoires, se vantant d'être « le fameux capitaine SS ». Jacques Massu, au travers de son aide de camp le lieutenant Mazza, est cité, mais n'est pas présent.


Extraits :

« Jacquet, toujours souriant, agita d’abord devant mes yeux les pinces qui terminaient les électrodes. Des petites pinces d’acier brillant, allongées et dentelées. Des pinces « crocodiles », disent les ouvriers des lignes téléphoniques qui les utilisent. Il m’en fixa une au lobe de l’oreille droite, l’autre au doigt du même côté… Brusquement, je sentis comme la morsure sauvage d’une bête qui m’aurait arraché la chair par saccades. Toujours souriant au-dessus de moi, Jacquet m’avait branché la pince au sexe. Les secousses qui m’ébranlaient étaient si fortes que les lanières qui me tenaient une cheville se détachèrent. On arrêta pour les rattacher et on continua… »

Il y a maintenant plus de trois mois que j'ai été arrêté. J'ai côtoyé, durant ce temps, tant de douleurs et tant d'humiliations que je n'oserais plus parler encore de ces journées et de ces nuits de supplices si je ne savais que cela peut être utile, que faire connaître la vérité c'est aussi une manière d'aider au cessez-le-feu et à la paix. Des nuits entières, durant un mois, j'ai entendu hurler des hommes que l'on torturait, et leurs cris résonnent pour toujours dans ma mémoire.

"Alors, il ne veut pas parler ? dit l'un des civils.
-On a tout le temps , dit le commandant, ils sont tous comme ça au début : on mettra un mois, deux mois ou trois mois mais il parlera.
-C'est le même genre que Akkache ou Eyette Loup, repris l'autre. Ce qu'il veut : c'est être un "héros", avoir une petite plaque sur un mur dans quelques centaines d'années." Ils rirent à sa plaisanterie.

[...]

Henri Alleg fait dire à l'un de ces officiers :
« Tu vas parler ! Tout le monde doit parler ici ! On a fait la guerre en Indochine, ça nous a servi pour vous connaître. Ici, c'est la Gestapo ! Tu connais la Gestapo ? Puis, ironique : Tu as fait des articles sur les tortures, hein, salaud ! Eh bien ! maintenant, c'est la 10e D.P. qui les fait sur toi. »

Maurice Audin

Né le 14 février 1932 à Béja et décédé le 21 juin 1957, est un assistant de mathématiques français à l’université d’Alger, membre du Parti communiste algérien et militant de la cause anticolonialiste.
Pour ses proches ainsi que pour des journalistes et historiens, il fut torturé et tué par les services français, car il était militant de la cause de l'indépendance algérienne. 
Il est le père de la mathématicienne Michèle Audin.

Maurice Audin