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mardi 16 décembre 2014

L'immigration a engendré un capital dont la valeur est inestimable

Le Musée de l'histoire de l'immigration à Paris a été inauguré par François Hollande lundi 15 décembre après-midi. Le musée est ouvert depuis 2007.




L’historien Benjamin Stora, patron de la Cité nationale de l’histoire de l’immigration depuis l’automne 2013, explique pourquoi il faut rendre hommage à la diversité des peuplements en France.


La Croix : Était-il important d’inaugurer le Musée de l’histoire de l’immigration, alors que ce lieu existe déjà depuis sept ans ?
Benjamin Stora : Cela a un sens profond de le faire, car il faut nommer les choses pour qu’elles prennent chair. Ce lieu, pour s’inscrire véritablement dans le paysage national, devait passer par cette reconnaissance de l’État.
Ce geste n’est pas seulement symbolique. Il est éminemment politique, puisqu’il affirme officiellement l’existence d’une histoire de France liée aux différentes migrations. J’espère en outre que cette visite présidentielle sera l’occasion de rehausser le budget de cette institution qui, sans moyens significatifs, ne pourra pas sortir de la relégation qu’elle connaît aujourd’hui.
En quoi l’immigration a-t-elle contribué à la construction de notre pays ?
B. S. : Cette question est toujours posée à chaud, au moment où l’on s’approche des échéances électorales. Le rôle de l’historien est de replacer les choses dans la durée. L’immigration est un processus ancien, qui s’est accéléré au XXe  siècle, avec la révolution industrielle et deux guerres mondiales. Après 39-45, les migrants ont participé à l’effort de reconstruction, puis à l’essor des Trente Glorieuses.
Sur le plan démographique, l’apport de l’immigration a été – et reste – essentiel, en réponse au vieillissement de la population européenne. La natalité française, avec deux enfants par femme, est certes plus forte qu’en Allemagne, mais elle n’est pas suffisante pour que l’on puisse se passer de la main-d’œuvre étrangère.

Enfin, sans l’immigration, la France n’aurait pas le rayonnement technologique, esthétique, culturel qui est le sien aujourd’hui. Je parle d’artistes de premier plan, comme Chagall ou Modigliani. De sportifs exceptionnels comme Kopa, Platini ou Zidane. De grands couturiers comme Pacco Rabane ou Kenzo. Tout cela a engendré un capital dont la valeur est inestimable.
Avec tous ces apports, comment se fait-il que l’on doive sans cesse se battre contre des préjugés négatifs vis-à-vis des immigrés ?
B. S. : Avec quatre millions de chômeurs aujourd’hui, la France est un pays qui, face à la mondialisation et l’avènement de nouvelles grandes puissances économiques, a peur du déclin, de la dilution de son identité nationale… La tentation du repli sur soi est grande. Celui qui arrive avec sa culture n’est plus vécu comme une chance par une grande partie des Français.

Tout l’enjeu est d’inverser ce discours, qui à mon sens relève de la paresse intellectuelle. Je dis cela sans vouloir nier les difficultés d’intégration qui peuvent parfois se présenter. Car, en réalité, le processus migratoire actuellement en marche est inexorable. Rien ne sert de lui tourner le dos.


Il faut affronter ce défi.La France, patrie des droits de l’homme, n’a jamais été aussi forte qu’en portant sa voix au niveau universel. Je crois donc qu’il convient de montrer l’immigration, dans les institutions, les enseignements, la production cinématographique… Il ne s’agit pas d’en faire le vecteur central et unique de notre récit national, mais une partie intégrante de notre discours républicain.

Recueillie par JEAN-BAPTISTE FRANÇOIS

Article publié par La Croix le 15/12/14 à retrouver ici



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