Cette distinction vient saluer la contribution de Pascal Boniface à l’analyse des relations internationales, des enjeux stratégiques et des questions de sécurité. Elle vient également rendre hommage à l’IRIS, que Pascal Boniface a fondé en 1991, mentionné comme un des principaux centres français de recherche en relations internationales, reconnu d’utilité publique depuis 2009, lieu de production intellectuelle et centre de rayonnement pour la France.
Laurent Fabius a rendu hommage (lire ci-dessous) à l’action du Directeur de l’IRIS pour réduire le retard de la France dans l’étude des relations internationales. Décrit comme un homme de convictions, comme un intellectuel intègre, un déchiffreur d’un monde éclaté, le ministre a salué en particulier son indépendance.
Discours de M. Laurent Fabius
Ministre des Affaires étrangères
Remise des insignes d’Officier de la Légion d’Honneur à M. Pascal Boniface
17 octobre 2013
Cher Pascal Boniface,
Je suis heureux de vous accueillir au Quai d’Orsay pour vous remettre les insignes d’Officier de la Légion d’Honneur.
Je ne puis m’empêcher de penser à une phrase de Michel Audiard, dans un documentaire de 1973 intitulé « Vive la France » : « il existe une prédilection masochiste des Français pour deux exercices dans lesquels ils se révèlent malchanceux: la guerre et le football ». On peut être un formidable dialoguiste et un mauvais analyste. Vous êtes la preuve qu’on peut s’intéresser à la guerre et au football, être français et être chanceux en évitant le carton rouge au profit de la rosette !
En des termes plus choisis, cette distinction vient saluer votre contribution à l’analyse des relations internationales, des enjeux stratégiques et des questions de sécurité. Vous êtes en effet l’auteur de plus d’une cinquantaine d’ouvrages sur des sujets nombreux et majeurs :
stratégie, désarmement, conflits, géopolitique, sport…
* *
On dit souvent que l’étude des relations internationales a été longtemps négligée en France. Vous faites partie de ceux qui ont beaucoup œuvré pour réduire ce retard et développer les études internationales en France.
Cette dimension de votre activité est évidemment pour moi, ministre des Affaires étrangères, très significative. La diplomatie d’un Etat a besoin qu’existe un débat sérieux et informé sur la politique étrangère. Sans doute suis-je d’une vieille école, mais je fais partie de ceux qui pensent que l’action sans le concept est aveugle et que le Quai d’Orsay a quelque chose à voir avec la politique étrangère. Il était donc tout indiqué que le Quai d’Orsay vous accueille aujourd’hui pour cette cérémonie.
Vous avez été un précurseur, ce dont témoigne votre thèse, soutenue en droit international public en 1985, à une époque où pour soutenir une thèse en relations internationales, il fallait souvent s’inscrire en droit. Quant au thème de votre travail, il résonne aujourd’hui d’une actualité particulière : Les sources du désarmement.
Très tôt vous vous êtes tourné vers les questions de défense et avez cherché, à travers une compréhension des rapports de force, à penser les enjeux de défense en vous extrayant du court terme. La guerre, le nucléaire et les questions stratégiques sont restés au cœur de vos travaux.
Vous avez élargi vos recherches. Vous vous êtes intéressés au Proche Orient, à la politique étrangère de la France, aux Etats Unis, à la géopolitique en général. Ces derniers temps – je le mentionnais en commençant – le sport a pris une place de plus en plus importante dans votre réflexion. C’est un sujet peu commun pour un spécialiste de stratégie, mais cela illustre votre curiosité intellectuelle. Vous soulignez avec raison que le sport est aujourd’hui un objet de relations internationales, à la fois enjeu, point de fixation et révélateur. L’actualité le montre, que l’on pense aux troubles provoqués au Brésil en lien avec la préparation des Jeux Olympiques, aux débats liés à la perspective de la coupe du monde de football au Qatar, aux prochains jeux olympiques d’hiver en Russie.
* *
Vous êtes aussi, et peut-être surtout, l’homme d’une œuvre, qui tient en quatre lettres : IRIS – Institut de relations internationales et stratégiques –, que vous avez fondé en 1990. C’est une autre raison pour la République de vous rendre hommage. Créé à l’origine avec peu de moyens, l’IRIS est devenu un des principaux centres français de recherche en relations internationales, reconnu d’utilité publique en 2009. Vous êtes l’auteur de cette belle réussite française, qui côtoie aujourd’hui les grands think-thanks internationaux. Bref, vous et votre équipe avez porté l’IRIS en ligue des champions.
Je sais qu’animer une telle institution c’est un combat de tous les jours, auquel le Quai d’Orsay contribue à la mesure de ses moyens qui, comme vous le savez, ne sont pas extensibles. L’IRIS joue un rôle important. C’est un lieu de production intellectuelle et c’est un centre de rayonnement pour la France, qui contribue à faire entendre notre voix dans le débat stratégique global.
Ce n’est pas à vous que je vais apprendre l’importance que revêt aujourd’hui la capacité pour un Etat de produire une vision du monde à laquelle d’autres acteurs peuvent se référer. Pour toutes ces raisons, l’IRIS est un atout pour la France. Et la distinction qui vous est aujourd’hui remise l’est aussi à tous ceux qui ont avec vous participé à ce succès.
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Cher Pascal Boniface,
Il est une chose que vous avez toujours cultivée, faisant de vous un personnage à la fois atypique et précieux de la scène intellectuelle française : votre indépendance.
Car vous êtes un homme de conviction ; vous n’hésitez pas à prendre des positions qui peuvent être inconfortables et vous valoir des inimitiés. Vous occupez même quelquefois le terrain de la polémique, mais toujours au nom d’une certaine conception de la probité. Ceux qui vous connaissent et vous estiment savent que vous êtes, pour reprendre le titre de votre dernier ouvrage, un « intellectuel intègre ». Universitaire, chercheur, think-tanker, et surtout, déchiffreur d’un monde éclaté.
* *
Cher Pascal Boniface,
Un personnage du Misanthrope dit quelque part : « C’est une folie à nulle autre seconde de vouloir se mêler de corriger le monde ». Quand on regarde votre parcours, on se dit qu’il est heureux qu’existent des fous comme vous – pas si fous – qui s’attellent à la tâche, sans être pour autant misanthrope.
Pour toutes ces excellentes raisons je suis heureux de vous remettre aujourd’hui les insignes d’Officier de la Légion d’Honneur.
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