L'intégrité est au coeur des débats publics. Les médias dénoncent, à juste titre, les responsables politiques qui la trahissent. Pourtant, dans le domaine des idées, ils sont trop souvent moins exigeants, s'accommodant voire faisant la promotion d’imposteurs médiatiques.
Or, de même que la corruption de quelques responsables politiques ne doit pas jeter l'opprobre sur la démocratie, l'existence des « intellectuels faussaires » ne doit pas masquer le formidable apport à la société des « intellectuels intègres ». Références incontestables dans leurs disciplines scientifiques, ils ont bâti une œuvre véritable sur le long terme tout en restant des modèles d’honnêteté intellectuelle. Leur qualité humaine indéniable est fondée sur le respect des autres.
À la fois penseurs, défricheurs et éclaireurs, les 15 personnalités d'exception choisies ne transigent ni avec la vérité ni avec leurs convictions même – et surtout – s'il faut aller à contre-courant. Pour eux, la fin ne justifie pas les moyens, la cause qu’ils défendent est plus importante que leur personne. Ils sont prêts à prendre des risques pour ce qu'ils pensent être juste et refusent de suivre les modes.
Organisé en une série de portraits suivis de longs entretiens, Les Intellectuels intègres offre une réflexion unique et stimulante sur la place et le rôle des intellectuels dans notre pays à travers le parcours et le témoignage de Stéphane Hessel, Jean Baubérot, Esther Benbassa, Rony Brauman, Régis Debray, Alfred Grosser, Olivier Mongin, Edgar Morin, Emmanuel Todd, Tzvetan Todorov, Jean-Christophe Victor, Michel Wieviorka, Catherine Wihtol de Wenden, Dominique Wolton et Jean Ziegler.
Auteur Pascal Boniface
Editeur Gawsewitch Jean-Claude
Date de parution 07/05/2013
Prix 21,90 Euros
Prix 21,90 Euros
Pascal Boniface est directeur de l'Institut de relations internationales et stratégiques (IRIS) et enseignant à l’Institut d'études européennes de l'université Paris VIII. Il est l'auteur d'une cinquantaine d'ouvrages sur les relations internationales. Il a publié aux mêmes éditions Les Intellectuels faussaires qui lui a valu un grand succès auprès du public et quelques solides inimitiés dans le milieu médiatique.
Extraits
Stéphane Hessel : Oui, ils ont raison. On choisit toujours. On ne peut pas s'occuper de tout. Ma réponse c'est de dire << il se trouve que j'ai été, à de nombreuses reprises ces dernières années à Gaza, en Cisjordanie, en Israël, et que cela me préoccupe. Vous avez raison, il y a d'autres graves problèmes dans le monde auxquels je ne suis nullement indifférent et sur lesquels j'adopte d'ailleurs une position qui vaut pour tous, qui est le respect du droit international.>> [...].
Pascal Boniface : Aussi bien dans ta vie intellectuelle que dans ta vie politique, que penses-tu de l'argument selon lequel la fin justifie les moyens et que l'on peut, pour la bonne cause, utiliser des arguments fallacieux voire mensongers ?
Esther Benbassa : D'abord, ma pensée ne fonctionne pas de cette façon là, et c'est sans doute un tort. Je ne crois pas avoir jamais, en toute conscience, utilisé d'arguments fallacieux pour arriver à mes fins. Moi, si on ne m'élit pas, je resterai la même, je pourrai toujours continuer. Pas comme une riche, c'est vrai, mais je ne suis pas devenue spécialement riche en devenant sénatrice. Je ne défend pas Areva, personne ne me donne d'argent pour cela, je n'ai pas de lobbies fortunés qui stimulent mon action. Les Arabos-musulmans en butte au racisme, le droit de vote des étrangers, les gens du voyage, les prostitué(e)s, les gens que j'aide au quotidien pour leur régularisation ou leur naturalisation, les femmes que j'essaie de protéger quand on les met à la porte de chez elles avec leurs enfants parce qu’elles ne peuvent pas payer leur loyer, tout cela ne m'apporte pas de voix [...].
Pascal Boniface : Comment fais-tu le lien entre ta réflexion intellectuelle et les engagements que tu as pris, notamment à propos des conflits récents (Kosovo, Irak, Lybie) ? Qu'est-ce qui te mène, de la réflexion dans ton bureau quand tu écris un livre ou que tu en lis pour réfléchir à ces questions, à la rédaction d'une tribune par exemple ?
Tzvetan Todorov : Je me souviens, et c'est peut-être là qu'à commencé cet engagement plus actif, d'une tribune que j'ai écrite au moment de la guerre d'Irak. [...] Bien sûr, je partais de la critique des régimes totalitaires, pour moi incontournable. En même temps, et pour la première fois peut-être, je me suis aperçu qu'elle ne me suffisait pas. Je ne pouvais plus, dix ans après la chute des régimes communistes, m'en tenir au constat que la démocratie leur était préférable. Je m'apercevais bien que, même en l’absence de la menace totalitaire, tout n'allait pas pour le mieux dans notre monde ! Je suis devenu de plus en plus sensible aux dangers que recelait le régime démocratique lui-même.[...] Je me suis rendu compte qu'au nom de la démocratie on pouvait détourner et pervertir les idéaux démocratiques.[...].
Pascal Boniface : Pourtant dans le débat actuel il y a des intellectuels, dont toi, qui contestent l'ordre établi et d'autres dont la mission semble plutôt la conforter.
Jean Ziegler : C'est le choix mystérieux de chacun. Nous vivons sous un ordre cannibale du monde. Toutes les cinq secondes un enfants en dessous de 10 ans meurt de faim, 57 000 personnes meurent de faim chaque jour et près de 1 milliard d'êtres humains sur les 7 que nous sommes sont en permanence et gravement sous-alimenté. Le rapport sur l'état de l'insécurité alimentaire dans le monde de la FAO (Food and Agriculture Organization), qui chaque année donne les chiffres des victimes, dit que l'agriculture mondiale pourrait nourrir normalement, sans problème, 12 milliards d'êtres humains, donc presque le double de l'humanité actuelle [...].
Pascal Boniface : Est-ce que ce n'est pas aussi désespérant pour un intellectuel qui essaie de mieux faire comprendre les enjeux sociétaux ? Et d'autre part puisque tu disais que l'espace public permettrait de plus en plus de démentir, à quoi cela sert, si la malhonnêteté n'est pas sanctionnée, de savoir que quelqu'un est malhonnête ?
Michel Wieviorka : Les gens ont besoin de rêver, d'être flattés, d'être entendus, et cela vaut aussi pour l'intellectuel qui raisonne, mais qui souhaite aussi être entendu, trouver son public, une audience. Du coup, un démagogue, un populiste, peut faire des ravages [...].
Stéphane Hessel, le vieux résistant, idole des jeunes
Nous sommes devant une sorte de timidité historique
Stéphane Hessel né le 20 octobre 1917 à Berlin, mort le 27 février 20131,2 à Paris, est un diplomate, ambassadeur, résistant, écrivain et militant politique français. Né Allemand, Stéphane Hessel arrive en France à l’âge de 8 ans. Naturalisé français en 1937, normalien, il rejoint les Forces françaises libres, en 1941, à Londres. Résistant, il est arrêté et déporté à Buchenwald, qu’il parvient à quitter vivant grâce à une substitution d’identité avec un prisonnier mort du typhus, puis s’évade lors de son transfert du camp de Dora à celui de Bergen-Belsen. Il entre au Quai d’Orsay en 1945, et fait une partie de sa carrière diplomatique auprès des Nations unies. Homme de gauche et européen convaincu, il est ami de Pierre Mendès France et de Michel Rocard. Stéphane Hessel est connu du grand public pour ses prises de position concernant les droits de l’homme, la question des « sans-papiers » et le conflit israélo-palestinien, ainsi que pour son manifeste Indignez-vous ! paru en 2010, au succès international.
Jean Baubérot, la laïcité caustique
Il existe une tension réelle entre objectivité et engagement
Jean Baubérot né le 26 juillet 1941 à Châteauponsac (Haute-Vienne), est un historien et sociologue français, professeur émérite spécialiste de la sociologie des religions et fondateur de la sociologie de la laïcité.
Après avoir occupé la chaire d'« Histoire et sociologie du protestantisme » (1978-1990), il est titulaire de la chaire d'« Histoire et sociologie de la laïcité » (depuis 1991) à l’École pratique des hautes études dont il est le président d'honneur et professeur émérite. Il a écrit vingt ouvrages, dont un roman historique. Il est le coauteur d'une Déclaration internationale sur la laïcité signée par 250 universitaires de 30 pays.
Esther Benbassa, la cosmopolite tenace
Je préfère rester une intellectuelle distanciée par rapport à sa tribu
Esther Benbassa née le 27 mars 1950 à Istanbul, est une universitaire française, spécialiste de l'histoire du peuple juif et de l'histoire comparée des minorités, et une femme politique, sénatrice du mouvement Europe Écologie Les Verts.
Rony Brauman, l'humanitaire conceptuel
Les accusations d'ordre moral sont plus puissantes lorsqu'elles viennent de la gauche
Rony Brauman est un médecin (spécialisé en pathologie tropicale) de nationalité française né le 19 juin 1950 à Jérusalem (Israël). Il est principalement connu pour son rôle dans l'humanitaire.
Régis Debray, le philosophe désabusé mais combatif
Je suis frappé par l'assèchement rhétorique du discours politique
Régis Debray né le 2 septembre 1940 à Paris, est un écrivain, haut fonctionnaire et universitaire français, promoteur de la médiologie.
Alfred Grosser, le pédagogue malicieux
'ai toujours voulu susciter la compréhension pour le point de vue opposé
Alfred Grosser est un politologue, sociologue et historien français d'origine allemande né le 1er février 1925 à Francfort-sur-le-Main.
L'intellectuel généraliste est un citoyen qui n'a pas renoncé à l'idée d'intérêt général et de culture générale
Olivier Mongin est un écrivain et essayiste français, né à Paris en 1951. Il a été directeur de la revue Esprit de 1988 à décembre 2012.
Comprendre, c'est rentrer dans les raisons d'autrui
Edgar Morin né à Paris le 8 juillet 1921, est un sociologue et philosophe français. Il définit sa façon de penser comme « coconstructiviste » en précisant : « c’est-à-dire que je parle de la collaboration du monde extérieur et de notre esprit pour construire la réalité ».
Emmanuel Todd, le démographe prophétique
Je suis devenu intellectuel à l'insu de mon plein gré
Emmanuel Todd né le 16 mai 1951 à Saint-Germain-en-Laye, est un historien français, anthropologue, démographe, sociologue et essayiste. Ingénieur de recherche à l'Institut national d'études démographiques (INED), il développe l'idée que les systèmes familiaux jouent un rôle déterminant dans l'histoire et la constitution des idéologies religieuses et politiques.
Tzvetan Todorov, l'esprit de discidence
Sortir du cercle étroit de consensus politico-médiatique français
Tzvetan Todorov né le 1er mars 1939 à Sofia, est un essayiste, philosophe et historien français d'origine bulgare. Il a dû fuir la Bulgarie soviétique.
Jean-Christophe Victor, l'arpenteur du globe
Je ne suis pas là pour heurter, mais pour enseigner et faire réfléchir
Jean-Christophe Victor né le 30 mai 19471, est un enseignant français expert en géopolitique et en relations internationales, docteur en ethnologie (Institut d'ethnologie du Musée de l'Homme) et diplômé de chinois à l'INALCO (École des langues orientales). Il est le fils de l’explorateur Paul-Émile Victor et de la productrice de télévision, Éliane Victor.
Michel Wieviorka, les sciences sociales comme arme politique
L'intégrité c'est accepter d'être transformé soit par la pratique sociale soit par les analyses des autres
Michel Wieviorka né le 23 août 1946 à Paris) est un sociologue français.
Catherine Wihtol de Wenden, politologue tranquille et combattante
Il y a un très grand académisme dans notre métier et beaucoup de conservatisme
Catherine Wihtol de Wenden est une politologue et une sociologue française. Directrice de recherche au CNRS (CERI) et docteur en science politique (Institut d'études politiques de Paris), elle est une spécialiste des migrations internationales sur lesquelles depuis une vingtaine d'années, elle a mené différents travaux, conduit de nombreuses études de terrain, et dirigé différentes recherches comparatives, surtout européennes. Elle a été consultante auprès de l'OCDE, du Conseil de l'Europe, de la Commission européenne et "expert externe" auprès du Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés. Elle est aussi membre de la Commission nationale de déontologie de la sécurité.
Dominique Wolton, le penseur indiscipliné
Il n'y a jamais eu autant d'outils pour capter la réalité et jamais eu autant de distance entre les hommes politiques et la réalité. Idem pour les journalistes
Dominique Wolton né le 26 avril 1947 à Douala au Cameroun, est un intellectuel français, chercheur en sciences de la communication spécialiste des médias, de l'espace public, de la communication politique, et des rapports entre sciences, techniques et société. Ses recherches contribuent à valoriser une conception de la communication qui privilégie l'homme et la démocratie plutôt que la technique et l'économie.
Jean Ziegler, l'éternel révolté
Je résiste aussi par conviction d'être parfois utile et grâce aux témoignages que je reçois
Jean Ziegler né Hans Ziegler, le 19 avril 1934 à Thoune dans le canton de Berne en Suisse, est un homme politique, altermondialiste et sociologue suisse. Il a été rapporteur spécial auprès de l’ONU sur la question du droit à l’alimentation dans le monde. Il est l’auteur de nombreux ouvrages dans lesquels il analyse notamment cette question, et est également connu pour cette phrase : « l'agriculture mondiale peut aujourd'hui nourrir 12 milliards de personnes [...]. Il n'existe donc à cet égard aucune fatalité. Un enfant qui meurt de faim est un enfant assassiné. »
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